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L’Orient trahi par l’Occident

François Huguenin

Nouvelle revue CERTITUDES - n°1

Voici un livre qui tombe à pic, tandis que le conflit du Kosovo rend perplexe face à la complexité d’une région qui ne peut se comprendre si l’on ne connaît pas tant soit peu son histoire. Le livre de Jean-Christophe Buisson, consacré au général Mihailovic, chef de la résistance serbe au nazisme, permet de plonger au coeur d’une histoire jusqu’à ce jour quasi interdite, noyée sous la propagande communiste et celle de ses complices, ceux que Lénine appelait les « idiots utiles ».

Retraçant avec passion l’itinéraire du général patriote et monarchiste, Jean-Christophe Buisson nous permet de surcroît de goûter à nouveau les délices d’une histoire sérieuse mais « qui se lit comme un roman », rendant subtilement compte d’une époque mais n’oubliant pas que toute étude du passé concourt à la juste perception du présent. Le lecteur le moins préoccupé des affaires balkaniques trouvera ici matière à réflexion et à émotion.

L’histoire de la résistance serbe dirigée par Mihailovic est celle du casse du siècle. Par un cynisme étonnant, Tito a réussi à confisquer à son profit les lauriers de la bravoure, s’appuyant en cela sur Churchill qui commit ici une vilenie et une bêtise. Premier résistant à l’Allemagne apparemment invincible, Mihailovic sera sacrifié sur l’autel du partage fraternel avec les communistes. L’image de cet homme fidèle jusqu’au bout à son Dieu et à son roi est saisissante. Les paroles d’un de ses compagnons résument ainsi la situation des « cetniks » à l’issue du conflit : « N’étions-nous pas dépouillés de tout ? De tout au monde, si ce n’est de la fidélité et de la faim ? » Forte image d’une agonie qui donne toute la mesure de la tragédie spirituelle du martyr serbe.

Comment alors évoquer le peuple serbe sans référence à cette page d’histoire glorieuse et douloureuse, secrètement transmise à l’écart des dogmes de la religion titiste ? Comment ignorer les terribles antagonismes entre Serbes et Croates, la symbolique libératrice de l’ancestrale bataille du Kosovo ? Comprendre ce que signifie cette poudrière balkanique conduit aussi à s’interroger sur les méfaits de l’exportation du modèle d’Etat-nation occidental dans l’Europe orientale, byzantine, impériale et fédérale. Tout comme les Etats-Unis imposent aujourd’hui un nationalisme idéologique fondé sur la vision du monde réduite au principe sommaire des droits de l’homme, l’esprit de la Révolution, prolongé par le wilsonisme lors du traité de Versailles, a introduit au sein d’un équilibre instable le germe de sa destruction future. Plus que jamais il convient de cerner au plus près ce que l’on entend par nation et se méfier d’un double écueil : celui de l’ignorance de l’histoire singulière des peuples ; celui d’un jacobinisme paré des oripeaux de l’humanitarisme qui ne saurait restituer l’infinie diversité de la couleur du monde.

Jean-Christophe Buisson, Héros trahi par les alliés, le général Mihailovic, 1893-1946, Perrin, 307 p., 139 F.