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Un nouveau totalitarisme

Abbé G. de Tanoüarn

Nouvelle revue CERTITUDES - n°2

Le succès que rencontre actuellement la dénonciation du terrorisme intellectuel laisse rêveur. On peut aussi se demander ce que signifie la recrudescence de l'emploi du terme ’totalitarisme' dans le jargon médiatique ordinaire, alors que partout les conflits semblent s'apaiser et que chacun ne rêve qu’à une aisance de plus en plus manifeste. Cette résurgence de l'idée totalitaire malgré la mort apparente de l'idéologie marxiste léniniste signifie pourtant que l'humanité n'a pas encore été capable de réinventer par elle-même le paradis terrestre et qu'au contraire une crise latente est pressentie de plus en plus communément.

Cette crise est d'une nature particulière ; elle n'a rien à voir avec ces grands ébranlements de l'histoire qui firent des millions de victimes au cruel vingtième siècle. L'humanité semble en avoir fini avec ces convulsions fébriles qui l'ont trop longtemps agitée, mais ce calme, qui signifie la fin d'une adolescence, n'est pas celui qui précède la tempête. Il est... la tempête elle-même. La subversion ne passe plus par l'action, une action commune qui fut forcément violente parce que révolutionnaire. Elle s'opère dans les vapeurs d'un éther collectif, d'une sorte de chloroforme universel qui est le résultat de la matérialisation des rapports sociaux, de moins en moins différenciés et désormais dénués de toute signification transcendante au vécu immédiat des individus. Dans la nouvelle société, on n’est plus un tel ou un tel, le boulanger, le prêtre ou le pompiste ; on est seulement un consommateur, plus ou moins considérable selon son pouvoir d'achat, un lampiste. Cette situation semble irréversible tant que l'irréligion demeure l'opium du peuple.

La question qui se pose est la suivante : une civilisation intégralement matérialiste, où l'homme n'est rien d'autre que la somme des sensations, des émotions ou des impressions qui le traversent, est-elle une civilisation ? On parle souvent à ce sujet de nouveau totalitarisme, mais n'est-ce pas là une manière de se rassurer soi-même ? Le totalitarisme, on en revient, on n'en meurt pas toujours... Ce qui s'annonce n'a rien à voir avec les systèmes d'oppression qui ont caractérisé le passé. Il faut envisager pour désigner la menace un autre nom que celui de totalitarisme. Je propose que nous parlions de barbarie, pour manifester davantage que ce qui est en jeu, ce n'est pas la liberté (manifestement promise à un bel avenir, comme l'explique François Huguenin dans ce numéro) mais plutôt ce que l'on appelle faute de mieux la culture, l'identité ou la civilisation. On pourrait avancer l'hypothèse suivante : les totalitarismes du XXème siècle ont représenté une sorte de monstrueuse parenthèse dans la marche de l'histoire ; aujourd'hui, la liberté seule règne ou régnera partout. Ce triomphe de la Liberté est celui du Mal et de la Mort parce que, comme le pressentait Voltaire à la lecture de Rousseau, un jour, nous marcherons tous à quatre pattes : ce sera la victoire définitive du bon sauvage, elle nous transformera en tubes digestifs hypostasiés...

Ce scénario catastrophe nous invite non au pessimisme apocalyptique mais à la vigilance et à l'action. Il ne s'agit même plus de réaction, dans l'universelle apathie, mais d'action simplement c'est-à-dire, comme le notait profondément saint Thomas d'amour : seul l'amour, l'amour efficace, l'amour actif nous gardera de la Mort. Il suffit d'agir, il suffit d'entreprendre pour être sauvé du grand Nirvana cosmique qui est notre avenir radieux.