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Cinquante ans de bêtise et de haine

François Huguenin

Nouvelle revue CERTITUDES - n°2

Voici un livre qui pourrait être superflu. Rien de ce qu’écrit l’auteur n’est ignoré des rares esprits libres pour lesquels penser n’est pas répéter un catéchisme sommaire. Le terrorisme intellectuel que Jean SévilliaC1) analyse sur ces cinquante dernières années est manifeste, criant. Et pourtant ce livre est une gifle. En concentrant en 250 pages alertes la description de l’arsenal de la police de la pensée, Sévillia nous réveille, nous qui nous sommes habitués depuis longtemps à avaler les couleuvres les plus visqueuses.

Citations à l’appui, le livre déroule implacablement le mécanisme de la terreur intellectuelle, devenue sport national sur la Rive Gauche, depuis 1945. Premier temps : réécriture de la guerre, dont les lauriers sont confisqués par le parti communiste, celui du soutien au pacte germano-soviétique et qui appelle les travailleurs français à fraterniser avec les soldats allemands au lendemain de l’armistice ; deuxième temps, réécriture de l’histoire du siècle, avec exonération des crimes du communisme, assimilé au camp des démocraties ; troisième temps, logique d’amalgame et d’invective : soldats français des troupes coloniales, dénonciateurs du goulag, opposants à l’immigration incontrôlée, partisans de la politique familiale, tous seront tour à tour assimilés à la bête immonde. La logique de l’antifascisme, que Furet a magnifiquement mis en lueur, fonctionne parfaitement. Aujourd’hui que le « péril Le Pen » est de moins en moins crédible, le délit « d’homophobie » vient à point nommé pour réactiver le clivage entre les gentils et les méchants.

Avec adresse, Sévillia montre que la constitution médiatique de la démocratie moderne pousse à ces simplifications et à ce manichéisme, n s’agit d’une logique totalitaire conclut-il au terme d’une démonstration dont la force tient à la rigueur et au calme qui l’inspirent. Le mot totalitaire peut être contesté, mais non la réalité décrite. Nous voudrions pourtant prolonger cette analyse par une réflexion : il semble bien que cette normalisation intellectuelle soit intimement liée à l’exercice du pouvoir dans une démocratie moderne. D’abord en ce que la compétition pour le pouvoir, dans un univers médiatisé, engendre une âpreté qui a naturellement tendance à se muer en haine ; ensuite en ce que la recherche de la majorité passe automatiquement par une simplification du discours qui vide le débat intellectuel de ce qui devrait le fonder, l’intelligence ; enfin parce que, en l’absence d’autre légitimité que celle de l’opinion, la logique du bouc émissaire permet d’évacuer les vraies questions et conforte l’intelligentsia dans un magistère que la simple observation de ses carences devrait lui interdire à tout jamais d’exercer. Relire L’avenir de l’intelligence, publié en 1905 par Mourras, permettra de trouver les clefs d’une situation qui n’est pas une dérive, mais la logique profonde de la démocratie moderne. Parallèlement, lire le livre courageux et essentiel de Jean Sévillia, sera, notamment pour les plus jeunes, la meilleure manière de conquérir ce qui n’est jamais acquis : la liberté de l’esprit.

Jean Sévillia, Le Terrorisme intellectuel de 1945 à nos jours, Perrin, 262p., 119F.