Beaucoup
parmi les chrétiens peuvent s'offusquer de ce titre, la béatification
malheureuse, et de la critique du pape Jean XXIII qu'impliqué notre
annonce. Disons d'entrée de jeu qu'une béatification ne saurait être
infaillible... On peut donc très librement critiquer cet acte public du
magistère, dans la mesure justement où il ne s'inscrit ni dans les
actes imprescriptibles du magistère extraordinaire de l'Eglise, ni dans
le droit sacré qu’acquièrent les enseignements d'un magistère
ordinaire, consacrant la Tradition de l'Eglise. La béatification de tel
ou tel individu n'a par définition rien à voir avec une tradition immémoriale.
Par ailleurs, cela ne constitue pas un acte suffisamment garanti, selon
le droit de l'Eglise pour que l'on puisse l'inscrire dans l'exercice
extraordinaire du magistère pontifical. Un chrétien, au nom même de
son amour pour l'Eglise reste donc parfaitement libre défaire telle ou
telle remarque ou remontrance à l'autorité suprême sur ce sujet. Cela
ne signifie pas que l'on remette en cause le pouvoir que détient le
pape de déclarer bienheureux un chrétien qui a vécu selon la grâce
qui lui était donnée. Du reste, le 3 septembre 2000, on compte quatre
béatifications, celle de Jean XXIII, dont nous répétons qu'elle est
malheureuse, celle de Pie IX, le pape de la modernité, le pape qui dans
son syllabus a su détecter la nocivité de ce qu'il appelait les
erreurs modernes. Et puis, il y a celle du Père Chaminade, fondateur
des marianistes, et celle de Dom Marmion, un bénédictin dont les
ouvrages spirituels ont formé plusieurs générations de prêtres et de
religieuses. C'est la béatification simultanée de Pie IX, le pape
anti-libéral et de Jean XXIII, le pape archilibéral, celui qui encore
aujourd'hui sert de référence à un Mgr G aillât par exemple, oui,
c'est cette contradiction subsistante qui pose problème, qui pose au
catholique us problème de conscience. Qui doit-on suivre ? Qui faut-il
imiter ? Quelle doctrine doit-on épouser, celle du bienheureux antilibéral
ou celle du bienheureux archilibéral ? Tout se passe comme si une telle
question ne se posait même plus dans l'Eglise conciliaire, dans la
mesure où elle se proclame elle-même une Eglise plurielle, une Eglise
qui a dépassé (qui a digéré) ce genre de contradiction. Je voudrais
tout de même souligner la terrible ambiguïté d'un tel dépassement.
Si une contradiction subsistante ne gêne personne, on a l'impression de
vivre dans une sorte de prodigieuse liberté ; chacun peut aujourd'hui
se rengorger en se disant que c'est le concile Vatican II qui a inventé
cette liberté-là. Mais on peut aussi se poser la question autrement :
si dans l'Eglise plurielle une contradiction manifeste ne gêne plus
personne, cela signifie que la norme des comportements chrétiens n'est
plus du domaine du raisonnable, car le fondement de tout exercice de la
raison, c'est justement le principe de contradiction. Mais alors que
reste-t-il à nos fidélités pour s'identifier elles-mêmes si l'on ne
veut plus des vérifications qu'offre la raison ? Que reste-t-il sinon
le borborygme émis en commun, ce sentiment d'être ensemble qui tient
lieu de tout... Qui ne voit qu'une telle manière - déclamatoire - de
penser la communauté chrétienne constitue la plus prodigieuse régression
de toute l'histoire du christianisme ? Même la Réforme luthérienne
n'avait pas poussé si loin... dans une logique qui fondamentalement est
sienne... Ces deux béatifications simultanées constituent un symptôme,
rien de plus qu'un symptôme de la suppression du principe de
contradiction - dans les manifestations ordinaires de l'identité chrétienne.
Cette suppression ou cette suspension de la contradiction est comme une
porte ouverte à l'une des barbaries les plus primitives dans l'histoire
de l'humanité, la barbarie religieuse.
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