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Education et responsabilité

Abbé G. de Tanoüarn

Nouvelle revue CERTITUDES - n°5

Selon un grand nombre d'auteurs classiques, qu'il est inutile de citer ici, c'est l'éducation qui fait l'homme. Il faut se méfier de cette apparente lapalissade, qui cache un véritable réductionnisme. On ne fabrique pas un homme comme on produit des petits-beurre LU. L'éducation ne fait pas tout ; l'éducation ne suffit pas à tout ; l'éducation n'excuse pas toujours tout. Freud a mis à la mode une régression infantile dans laquelle il est loisible à chacun de rejeter la responsabilité de ses actes ou de ses carences sur l'éducation qu'il a reçue et en particulier sur le rapport qu'il entretenait avec ses parents. Dans cette perspective, nous sommes notre Œdipe, nous nous réduisons à la gangue affective qui nous a vu naître et grandir. Un tel état d'esprit, se généralisant et se banalisant, peut avoir des conséquences surréalistes sur le comportement ou sur le discours auto justificatif de certaines grandes personnes, qui y trouvent l'occasion de se complaire dans une bouderie enfantine contre leurs géniteurs, déclarés responsables de tous leurs maux présents et à venir. C'est ainsi que j'ai entendu un jour, dans une émission de France Inter, une journaliste du Nouvel Observateur dont je tairai le nom, la cinquantaine apparemment épanouie, déclarer que le vide affectif dont elle souffrait était dû au fait que son père trompait sa mère et que sa mère courait les colloques et ne s'occupait pas assez de ses enfants... Cet enfantillage en direct était accueilli le plus sérieusement du monde par l'animateur de l'émission.

Quant à nous, en bouclant ce numéro de Certitudes sur l'éducation, nous voulons redire notre conviction : non, l'éducation première ne fait pas tout, comme un certain matérialisme politique se complaît à le penser et à le faire penser. Non, il n'y a pas de déterminisme de l'éducation, même s'il y a, c'est vrai, une détermination par l'éducation. Parce qu'il est un être spirituel et non un automate téléguidé, l'homme est toujours responsable de ses actes et donc responsable d'abord de sa propre formation. Il est trop facile de s'autoriser d'un contexte socio-éducatif défavorable pour justifier l'inertie ou excuser l'ignorance. Le propre du petit d'homme, c'est qu'au-delà des mimétismes qui le constituent, il est toujours celui qui se fait lui-même, non pas d'ailleurs au hasard et à l'aventure. Il a pour tâche, il a pour destinée de devenir ce qu'il est, de réaliser sa nature et d'actualiser ses facultés. Les meilleures leçons de vie, les plus belles leçons de choses sont celles que chacun s'administre à lui-même, dans la perception intime, dans l'expérience de sa propre nature en tant qu'elle habite un monde. L'enseignant à cet égard n'est qu'une aide, un instrument, un adjuvant. Chacun ne progresse véritablement qu'en se confrontant à soi-même. Imaginer que les méthodes suffisent à tout, c'est ignorer volontairement le caractère spirituel de chaque personne. Dans tous les domaines, le vrai savoir ne provient pas de méthodes mécaniques d'apprentissage, mais du dynamisme de l'esprit humain, lorsqu'il accepte l'harmonie du monde où il vit - quitte à faire comme si l'ordre existait, ainsi que le recommandait Kant - s'il se juge incapable de justifier rationnellement cette harmonie. George Steiner affirmait au Figaro le 12 avril dernier : « Dans notre culture, presque tous ceux qui ont créé ont joué avec la possibilité d'une foi ». N'est-ce pas parce que la foi, qui offre seule la liberté avec l'amour, est l'éducatrice véritable pour l'homme ? Saint Augustin le pensait, qui se référait d'abord au Maître intérieur, en répétant le mot d'Isaïe : « Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas ».