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Dernière année

Abbé G. de Tanoüarn

Nouvelle revue CERTITUDES - n°5

Drôle de titre pour un journal personnel. Alain de Benoist s'en explique, à la date du 1er janvier : « J'ai eu cinquante cinq ans le mois dernier. Depuis l’enfance, il m'a toujours paru des plus improbables que je puisse jamais voir l'an 2000. J'entreprends donc ce journal (en 1999) comme une sorte de compte à rebours. La dernière année ». Une telle évocation de l'enfance, dès les premières pages de ce livre, contribue je crois à en donner le ton, car il n'y a pas de vérité personnelle qui puisse se dire, abstraction faite de l'enfance.

Étonnante également la première réflexion de l'auteur sur Bernanos et le problème du mal. Quand on sait avec quelle constance Alain de Benoist s'est exercé à dissocier la droite et le christianisme, non seulement dans l'ordre politique mais dans un ordre métapolitique ou métaphysique, une telle entrée en matière ne peut pas être un acte manqué. Un détail ? Sans doute, mais un geste. C'est Alain de Benoist lui-même qui s'explique, par Bernanos et Montaigne interposés, il semble penser que Bernanos (avec cette horreur du mal qui est une de ses sources d'inspiration) est plus chrétien (plus représentatif de la foi chrétienne) que Montaigne. Je n'en suis pas sûr quant à moi. Le chrétien Montaigne, déclarant que « si l'on supprimait le mal en l'homme, on détruirait les fondamentales conditions de la vie » me semble plus proche du Christ (et moins mélodramatique) que Bernanos criant : « Mon Dieu, ne me faites plus de mal ». La métaphysique rationaliste a pris conscience depuis Leibniz qu'il ne lui était pas facile de penser le mal. Le christianisme au contraire a toujours fait avec, sans se scandaliser outre mesure, puisqu'il croit que Dieu a déjà vaincu le mal dans le Christ ressuscité.

Mais il ne faudrait pas que je me laisse entraîner dans une de ces merveilleuses discussions théologiques dont nous sommes coutumiers ! Je voudrais aussi saluer le classicisme de ces pensées que les jours séparent. La réflexion confine souvent à l'aphorisme : Entre mille, celui-ci : « Ce que nous montre l’histoire des deux derniers siècles, c'est qu'on ne remplace pas Dieu. On peut en revanche très bien s'en passer ». Et un second : « l'intelligence n'est malheureusement pas une maladie contagieuse, mais il arrive qu'elle soit mortelle ».

Enfin, parce qu'on a l'embarras du choix dans cette fête quotidienne de l'intelligence, voici (pour répondre d'avance à certains lecteurs) deux très beaux textes, où l'on perçoit que rame vibre à travers son vêtement de mots : « la fidélité - la vertu la plus hors de mode. Pas seulement la fidélité à l'autre, mais la fidélité à soi-même, l'inscription dans la durée, le désir de maintenir, la volonté de transmettre ». Ou encore ces mots, si vraiment chrétiens, si simplement humains : « Se sacrifier. Donner. Donner sans rien attendre en retour. Donner non par devoir, mais en étant mû par la conviction que celui qui donne est toujours plus riche que celui qui reçoit - lequel a charge de donner à son tour ».

Cette promenade en compagnie d'Alain de Benoist réserve ainsi plus d'une surprise. On y découvre à chaque pas que l'intelligence est faite pour se marier avec le cœur et qu'à une certaine hauteur, un homme est toujours incontestable.

A. de Benoist, Dernière année, Ed. L'Age d'homme.