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Après la démocratie

Abbé Guillaume de Tanoüarn

Nouvelle revue CERTITUDES - n°5

Le titre, retenu par Éric Werner pour le recueil de ses chroniques, est presque sacrilège, car lorsqu'on vit en démocratie, il est impie d'imaginer qu'il puisse y avoir un après. Depuis Fukuyama, on nous a tellement vanté la fin de l'histoire, dans le giron bienveillant de la maternelle Amérique, qu'il ne saurait en être autrement ! S'il est une bonne nouvelle dont ce livre plutôt noir se fait néanmoins l'écho, c'est bien celle-là. Il y a une vie après la démocratie ! Les Vendéens n'en étaient pas convaincu... et pour cause ! Éric Werner nous l'annonce froidement dans ce recueil.

Je dis "froidement" parce que la perspective n'est pas particulièrement réjouissante. L'auteur s'attache à analyser au plus près les mécanismes (juridiques en particulier) qui nous régissent. Nous découvrons, médusés, la construction totalitaire qui est en train d'advenir au milieu de nous. Quant au discours démocratique en vigueur, il tient du leurre plus que de la réalité. Éric Werner procède méthodiquement, sans jugement téméraire. Malgré la noirceur, un peu systématique peut-être, du tableau, il est impossible de ne pas lui donner (au moins) quelques raisons dans ce démontage patient de la machine politique qui nous gouverne.

Mais ce qui retient notre attention de catholiques baroques, c'est son chapitre sur la déchristianisation.

Selon lui, les excès de l'illuminisme (c'est ainsi qu'il présente les folies meurtrières de la Révolution française) sont en quelque sorte symétriques des persécutions entreprises par la monarchie absolue contre les protestants, entre autres.

Les dragonnades de Louis XIV relèvent certainement d'une conception mécanique de la politique, comme l'explique Jean de Viguerie. On aperçoit clairement, dans cette pratique, le matérialisme auquel Descartes a donné occasion. Mais justement cette perspective dont Hobbes est le théoricien, n'a rien à voir avec le personnalisme monarchique dont Bossuet proposait le modèle au grand Roi. La déchristianisation commence à ce moment-là, même si le Roi assiste à la messe tous les jours, parce que la machine étatique est née : elle est née avec Hobbes et contre Bossuet. C’est elle, un siècle plus tard, qui l'emportera contre les forces morales et religieuses de la Conservation dont l'Église catholique deviendra le symbole.

Bref la Contre réforme catholique n'a rien à voir avec la naissance de l'État moderne, quoi qu'en pense Éric Werner : c'est le désenchantement du monde qui triomphe à l'époque, ce sont les premiers balbutiements du scientisme qui veulent cette oppression des consciences par la structure politique, désormais de plus en plus impersonnelle.

On ne sera pas d'accord non plus avec ce protestant genevois sur les remèdes à mettre en oeuvre. Selon lui, « pour guérir de la subjectivité, il ne faut pas moins de subjectivité, mais davantage ». Cet appel à la conscience individuelle est certainement noble, mais il ne faudrait pas oublier que l'individualité de la conscience est identifiée, dans l'histoire, au moment où l'État perd son âme. Elle est un pur produit du mécanisme politique et elle nous y ramène immanquablement. Y voir l'essence du christianisme, avec le cardinal Tisserant (cité par l'auteur), c’est oublier que la Parole de Dieu illumine notre conscience ; elle ne lui est pas soumise !

E. Werner, L'après-démocratie, L'âge d'homme, janvier 2001, 158pp.