Le
titre, retenu par Éric Werner pour le recueil de ses chroniques, est
presque sacrilège, car lorsqu'on vit en démocratie, il est impie
d'imaginer qu'il puisse y avoir un après. Depuis Fukuyama, on nous a
tellement vanté la fin de l'histoire, dans le giron bienveillant de la
maternelle Amérique, qu'il ne saurait en être autrement ! S'il est une
bonne nouvelle dont ce livre plutôt noir se fait néanmoins l'écho,
c'est bien celle-là. Il y a une vie après la démocratie ! Les Vendéens
n'en étaient pas convaincu... et pour cause ! Éric Werner nous
l'annonce froidement dans ce recueil.
Je
dis "froidement" parce que la perspective n'est pas particulièrement
réjouissante. L'auteur s'attache à analyser au plus près les mécanismes
(juridiques en particulier) qui nous régissent. Nous découvrons, médusés,
la construction totalitaire qui est en train d'advenir au milieu de
nous. Quant au discours démocratique en vigueur, il tient du leurre
plus que de la réalité. Éric Werner procède méthodiquement, sans
jugement téméraire. Malgré la noirceur, un peu systématique peut-être,
du tableau, il est impossible de ne pas lui donner (au moins) quelques
raisons dans ce démontage patient de la machine politique qui nous
gouverne.
Mais
ce qui retient notre attention de catholiques baroques, c'est son
chapitre sur la déchristianisation.
Selon
lui, les excès de l'illuminisme (c'est ainsi qu'il présente les folies
meurtrières de la Révolution française) sont en quelque sorte symétriques
des persécutions entreprises par la monarchie absolue contre les
protestants, entre autres.
Les
dragonnades de Louis XIV relèvent certainement d'une conception mécanique
de la politique, comme l'explique Jean de Viguerie. On aperçoit
clairement, dans cette pratique, le matérialisme auquel Descartes a
donné occasion. Mais justement cette perspective dont Hobbes est le théoricien,
n'a rien à voir avec le personnalisme monarchique dont Bossuet
proposait le modèle au grand Roi. La déchristianisation commence à ce
moment-là, même si le Roi assiste à la messe tous les jours, parce
que la machine étatique est née : elle est née avec Hobbes et contre
Bossuet. C’est elle, un siècle plus tard, qui l'emportera contre les
forces morales et religieuses de la Conservation dont l'Église
catholique deviendra le symbole.
Bref
la Contre réforme catholique n'a rien à voir avec la naissance de l'État
moderne, quoi qu'en pense Éric Werner : c'est le désenchantement du
monde qui triomphe à l'époque, ce sont les premiers balbutiements du
scientisme qui veulent cette oppression des consciences par la structure
politique, désormais de plus en plus impersonnelle.
On
ne sera pas d'accord non plus avec ce protestant genevois sur les remèdes
à mettre en oeuvre. Selon lui, « pour guérir de la subjectivité, il
ne faut pas moins de subjectivité, mais davantage ». Cet appel à
la conscience individuelle est certainement noble, mais il ne faudrait
pas oublier que l'individualité de la conscience est identifiée, dans
l'histoire, au moment où l'État perd son âme. Elle est un pur produit
du mécanisme politique et elle nous y ramène immanquablement. Y voir
l'essence du christianisme, avec le cardinal Tisserant (cité par
l'auteur), c’est oublier que la Parole de Dieu illumine notre
conscience ; elle ne lui est pas soumise !
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