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Saint Grégoire nous parle

Georges Laffly

Nouvelle revue CERTITUDES - avril-mai-juin 2001 - n°6

Saint Grégoire fut élu pape en 590, ou moment de la peste de Rome, celle-là dont la fin fut annoncée par l'ange remettant son épée au fourreau, au sommet du tombeau d'Hadrien (château Saint-Ange). Les moines du Barroux viennent de rééditer les homélies prononcées par ce pape pendant les deux premières années de son pontificat. Temps de frayeur ; après la peste c'était les Lombards qui menaçaient la ville.

Nous vivons des années guère moins sombres, ce qui devrait nous disposer à écouter ces sermons qui parlent de pénitence et de pardon. Grégoire y mêle les exemples concrets, pris dans la vie quotidienne, parlant de gens que tous ont pu connaître, à un commentaire savant, allégorique, d'une grande richesse. Que le mot d'allégorie ne trompe pas. Le principe est que chaque phrase a plusieurs étages de sens ; le moindre détail de la parole sacrée est éclairé, expliqué. Par exemple, à propos de la femme qui allume sa lampe pour retrouver la drachme perdue (saint Luc, 15) : « Qu'est-ce qu'une lumière dans un vase de terre, sinon la divinité dans la chair ? » et le propos rebondit sur un psaume : « La force gui se dessèche comme un vase de ferre cuire, c'est-à-dire la chair assumée par le Christ et endurcie par les tourments de la Passion ». Réseau serré d'analogies, langage de la poésie, à l'opposé de notre langage mathématique (un signe, un seul sens). Ces élévations débouchent toujours sur la vie chrétienne, les conseils pressants de pardon, de charité. « Le Royaume de Dieu te coûte ni plus ni moins que ce que tu possèdes ». Il exhorte à la pénitence, il rappelle la miséricorde. Mais aussi le Jugement. Nous en avons perdu l'habitude, et beaucoup doivent penser avec Pirenne, l'historien belge, que cette piété est bien sombre et bien angoissée. On préfère laisser entendre que la sortie débouche immanquablement sur la béatitude. Nous ne risquons rien. Comme si nos vies, et ce que nous en faisons, n'avaient pas d'importance. Mais alors, nous ne compterions pas, trop légers pour être pris au sérieux. Ce n'est pas du tout ce langage que tenait saint Grégoire. On hésite à choisir entre ces textes. Ils sont tous beaux, tous éclairés d'un rayon divin. J'ai un faible pour les homélies sur Jean-Baptiste, sur Marie-Madeleine et pour la Pentecôte.

Saint Grégoire le Grand, Homélies sur l'Evangile, éd. Sainte Madeleine, 618 pages, 190 F.