J'imagine en ce moment la tête de
certains de nos fidèles lecteurs, découvrant que nous abordons encore
l'Action Française, que nous allons encore parler de Maurras, bref que
nous nous égarons à nouveau dans le marécage politique du XXème siècle.
Certain de mes amis évoquera peut-être la "génuflexion obligée"
devant le maître de Martigues. Je voudrais le rassurer (même si je
n'arriverai sans doute qu'à l'inquiéter davantage) : un tel respect
n'a rien de contraint ou de forcé, rien de rituel ou de routinier. Si
je voulais - une fois n'est pas coutume ! -m'analyser un peu, je dirais
: ce respect relève d'une sorte de nécessité, à la fois métaphysique
et théologique.
Il apparaît qu'il existe une
incompatibilité fondamentale entre le chrétien et la démocratie. Pour
le chrétien en effet, le Verbe est au commencement auprès de Dieu,
comme parle l'Evangile de saint Jean. Pour un démocrate moderne et conséquent,
pour un démocrate qui ne triche pas avec ses principes, le verbe ne
peut pas être au commencement auprès de Dieu, mais fatalement, c'est
dans l'instant présent et c'est auprès du peuple que l'on découvre
toute raison. Plus précisément encore, c'est dans l'idée de la liberté
de l'homme vis-à-vis de tous les conditionnements qu'on peut accepter
de reconnaître un Absolu.
L'opposition est totale. Mais vous me
direz que j'arrange Maurras à ma manière et que de telles considérations
lui sont étrangères, puisqu'il n'est pas chrétien.
La réponse à une telle objection est très
facile, si l'on veut bien pour un instant laisser de côté le drame
personnel du Maître de l'Action Française et sa difficulté qui porte
sur la foi catholique elle-même. Pour autant, Maurras n'est pas un athée,
malgré ce que nous raconte Jacques Prévotat. Son paganisme sublime,
tel qu'il apparaît dans Corps glorieux par exemple, est comme le
ressort ultime de son immense amour de la vie... Pius Maurras, comme dit
Jean Madiran. Oui, Maurras fut essentiellement un homme religieux, exalté
par la bonté et la beauté du monde.
Et s'il n'était pas démocrate, s'il a pu
dire « la démocratie, c'est le mal, la démocracie, c'est la mort »,
c'est justement parce que c'était un homme religieux. La démocratie ne
s'attaque pas uniquement au Verbe qui se fait chair, Jésus Christ ;
elle contredit aussi « le Verbe auprès de Dieu qui illumine tout homme
venant au monde ». A ce verbe secret qui est la loi écrite dans nos cœurs,
elle substitue la vertigineuse liberté : elle fait du désir de l'homme
un droit, elle n'accepte de vérité que celle que porte l'instant.
La Démocratie n'est pas seulement une hérésie
; elle impose une nouvelle religiosité parce qu'elle définit un
nouveau centre, purement imaginaire du reste, l'Homme tel qu'il se rêve.
La Démocratie décrète que le centre est toujours à venir. Nous
pensons, nous, qu'il est venu depuis 2000 ans, nous croyons que le Cœur
de Jésus, roi et centre de tous les cœurs, est déjà et pour toujours
le cœur du Monde...
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