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La religion démocratique

Abbé G. de Tanoüarn

Nouvelle revue CERTITUDES - n°7

J'imagine en ce moment la tête de certains de nos fidèles lecteurs, découvrant que nous abordons encore l'Action Française, que nous allons encore parler de Maurras, bref que nous nous égarons à nouveau dans le marécage politique du XXème siècle. Certain de mes amis évoquera peut-être la "génuflexion obligée" devant le maître de Martigues. Je voudrais le rassurer (même si je n'arriverai sans doute qu'à l'inquiéter davantage) : un tel respect n'a rien de contraint ou de forcé, rien de rituel ou de routinier. Si je voulais - une fois n'est pas coutume ! -m'analyser un peu, je dirais : ce respect relève d'une sorte de nécessité, à la fois métaphysique et théologique.

Il apparaît qu'il existe une incompatibilité fondamentale entre le chrétien et la démocratie. Pour le chrétien en effet, le Verbe est au commencement auprès de Dieu, comme parle l'Evangile de saint Jean. Pour un démocrate moderne et conséquent, pour un démocrate qui ne triche pas avec ses principes, le verbe ne peut pas être au commencement auprès de Dieu, mais fatalement, c'est dans l'instant présent et c'est auprès du peuple que l'on découvre toute raison. Plus précisément encore, c'est dans l'idée de la liberté de l'homme vis-à-vis de tous les conditionnements qu'on peut accepter de reconnaître un Absolu.

L'opposition est totale. Mais vous me direz que j'arrange Maurras à ma manière et que de telles considérations lui sont étrangères, puisqu'il n'est pas chrétien.

La réponse à une telle objection est très facile, si l'on veut bien pour un instant laisser de côté le drame personnel du Maître de l'Action Française et sa difficulté qui porte sur la foi catholique elle-même. Pour autant, Maurras n'est pas un athée, malgré ce que nous raconte Jacques Prévotat. Son paganisme sublime, tel qu'il apparaît dans Corps glorieux par exemple, est comme le ressort ultime de son immense amour de la vie... Pius Maurras, comme dit Jean Madiran. Oui, Maurras fut essentiellement un homme religieux, exalté par la bonté et la beauté du monde.

Et s'il n'était pas démocrate, s'il a pu dire « la démocratie, c'est le mal, la démocracie, c'est la mort », c'est justement parce que c'était un homme religieux. La démocratie ne s'attaque pas uniquement au Verbe qui se fait chair, Jésus Christ ; elle contredit aussi « le Verbe auprès de Dieu qui illumine tout homme venant au monde ». A ce verbe secret qui est la loi écrite dans nos cœurs, elle substitue la vertigineuse liberté : elle fait du désir de l'homme un droit, elle n'accepte de vérité que celle que porte l'instant.

La Démocratie n'est pas seulement une hérésie ; elle impose une nouvelle religiosité parce qu'elle définit un nouveau centre, purement imaginaire du reste, l'Homme tel qu'il se rêve. La Démocratie décrète que le centre est toujours à venir. Nous pensons, nous, qu'il est venu depuis 2000 ans, nous croyons que le Cœur de Jésus, roi et centre de tous les cœurs, est déjà et pour toujours le cœur du Monde...