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Faut-il revendiquer l'intégrisme ?

Abbé G. de Tanoüarn

Nouvelle revue CERTITUDES - octobre-novembre-décebre 2001 - n°8

Souvent des chrétiens gui se veulent fidèles à la Tradition catholique, se déclarent en même temps fiers d'être intégristes. Et ils ajoutent parfois : intégristes renvoie à intégrité, c'est-à-dire à cette forme intrépide de l'honnêteté qui choisit tout... Et de conclure : je suis un intégriste !

Il faut beaucoup se méfier du langage, surtout lorsqu'on ne dispose pas de l'hégémonie culturelle et que l'on doit se reconnaître incapable d'imposer à tel vocable un sens nouveau voire inédit. Les démocrates-chrétiens se sont abondamment rendu compte de cette difficulté : ils auraient voulu, derrière Jacques Maritain, imposer une nouvelle forme de démocratie, non pas la démocratie gui repose sur la liberté maximale des individus, mais une démocratie respectueuse du bien objectivement commun... Cela a donné le MRP, et puis Jean Lecanuet, Monsieur 5%, comme disait quelqu'un. M. Bayrou, dans son bus électoral, a pu expérimenter la difficulté qu'il y a à maîtriser le champ sémantique. On ne s'empare pas des mots quand on est minoritaire ! Le terme d'intégrisme, nous ne voulons pas non plus nous en emparer. Il a beaucoup évolué. Au départ, c'était une insulte, employée par des chrétiens contre d'autres chrétiens auxquels ils reprochaient de ne pas vivre avec leur temps. Les chrétiens ultramodernes étaient affublés du surnom de modernistes (jusqu'à ce qu'on se rende compte qu'à force d'épouser toutes les modes intellectuelles ils étaient devenus démodés) ; les chrétiens antimodernes étaient appelés intégristes (avant qu'on ne réalise qu'ils ne représentaient qu'une section de l'Internationale noire). Aujourd'hui, on est bien revenu de cette dialectique droite/gauche au sein de l'Eglise elle-même. Les ex-chrétiens de gauche sont devenus parfois des parangons d'intransigeance (Domenach, Paupert, Lubac, etc). Quant aux droitistes, ce sont parfois des supporters inconditionnels du wojtylisme le plus "gauchisant" (M. Clément hier, C. Geffroy aujourd'hui). Cette histoire de droite et de gauche n'a donc plus beaucoup de sens, si elle en a jamais eu. L'intégriste d'aujourd'hui (quelle que soit sa religion) est, comme le lépreux d'autrefois, désigné par toutes sortes de grelots aux insultes des passants. C'est un individu notoirement marqué d'une sorte d'étoile jaune morale... Montré du doigt. En un mot, c'est le bouc émissaire de la bonne conscience occidentale. Sauf à cultiver un masochisme aigu, nous n'avons rien à voir avec tout cela.

La défense intrépide de la Tradition catholique, menée aujourd'hui par la Fraternité Saint-Pie X mais aussi par quantité d'esprits libres de par le monde, requiert non des chrétiens légalistes que la moindre semonce romaine laisserait désemparés, mais plutôt des fidèles ardents et généreux, qui n'ont pas peur de s'exprimer en chrétiens sur tous les sujets de quelque importance et qui, le cas échéant, supporteraient sans mot dire plaies et bosses, en nom Dieu comme disait Jeanne d'Arc. Les nouveaux chevaliers du Verbe ne sont pas des intégroïdes, esclaves du sens littéral et du qu'en dira-t-on, mais des hommes libres de cette liberté par laquelle le Christ nous a libérés, la seule véritable liberté religieuse, non pas celle qui canonise l'indifférence ou l'indétermination, mais celle qui prend naissance dans l'élan surnaturel de la foi, formée par la charité.