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Dieu ou la Liberté

Abbé G. de Tanoüarn

Nouvelle revue CERTITUDES - janvier-février-mars 2002 - n°9

Le dilemme fera bondir n'importe quel curé - un de ces curés que l'on disait dans le vent, il y a 30 ans et qui aujourd'hui sont des prêtres un peu éventés... Je les entends d'ici : « Mais justement Dieu, c'est la liberté ». Et Jean Paul II lui-même, au Bourget, en 1980, ajoutait pour faire bonne et républicaine mesure : Dieu c'est aussi l'égalité et la fraternité.

Malheureusement l'histoire des idées nous apprend tout autre chose. Il y a une mutation profonde de l'esprit religieux, qui s'amorce au XVIIIème siècle et qui s'épanouit aujourd'hui. Désormais, Dieu ne doit plus s'imposer à l'homme comme le roi de son intelligence et le prince de son cœur. L'image fière, que nous avons voulu placer sur la couverture de ce numéro, d'un Dieu qui, pour les chrétiens, est avant tout l'Autorité naturelle ou paternelle, garante de toutes les autorités circonstancielles et politiques n'est plus guère de saison. La coïncidence que les anciens repéraient jusque dans l'étymologie des mots entre la droiture et la supériorité (autour des termes latins rectitudo/dirigere) est oubliée. L'esprit de Jean Jacques Rousseau triomphe, et avec lui le mauvais esprit de Fénelon, le Cygne de Cambrai, précepteur du petit-fils de Louis XIV et qui avait toujours tendance à soupçonner toute autorité, quelle qu'elle soit.

Historiquement, le soupçon a été politique avant d'être théologique, il a porté sur le Roi avant de se fixer sur Dieu, mais finalement la contestation, qu'elle soit religieuse ou qu'elle soit politique, renvoie bien au même mouvement de l'intelligence, jalouse de toute préséance et qui s'inquiète que la supériorité ne cache une forme de méchanceté. Du méchant roi au méchant Dieu, il n'y a qu'un pas... Vite franchi, comme nous le montre le cours du temps.

C'est qu'au fond toute autorité est de nature religieuse ; c'est sans doute cela que ressentait le jeune Maurras, lorsqu'il évoquait à propos de l'autorité « la merveille du monde ». L'autorité vraie n'est pas de ce monde, et c'est pour cela que l'on parle de «hiérarchie», de pouvoir sacré ou sacerdotal. Tout vrai pouvoir est sacré. S'il n'est pas sacré, il reflète un rapport de force (comme entre le Maître et l'esclave de Hegel) et s'inscrit dans une spirale violente... Le soupçon naît lorsque la sacralité du pouvoir disparaît. Est-ce à dire que le sacré ne soit que l'illusion utilisée par le pouvoir pour susciter le respect ? Si l'on suit la démonstration qu'administré ici René Girard, on est porté à répondre par l'affirmative à cette question. Les fausses religions naissent toujours d'un appétit de pouvoir que ce soit celle qui s'adresse aux dieux de la Communauté ou celle qui implore les dieux du stade et ceux du cinéma. Le christianisme, religion de la Croix, envisage que toute autorité puisse être crucifiée. Il subvertit toutes les fausses autorités lorsqu'il renverse les faux dieux. Non pas pour une utopique anarchie, mais parce qu'il envisage avec son divin fondateur « que celui qui veut être le premier parmi vous soit comme celui qui sert ».