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Mais qu'est-ce donc au juste, un symposium ?

Jean-Michel Hardy

Nouvelle revue CERTITUDES - juillet-août-septembre 2002 - n°11

Symposium ? Ce n'est pas un mot barbare, c'est un nom grec, emprunté à une vieille tradition platonicienne, et qui signifie : un moment où l'on boit ensemble, en devisant des choses les plus hautes. Rassurez-vous : même si, c'est vrai, personne n'est mort de soif durant ces deux jours, on ne peut pas dire que le symposium international de théologie, organisé à l'occasion des 40 ans de Vatican II, se soit déroulé sur le modèle du Banquet que nous suggère Platon. Si une ivresse a saisi les participants, elle fut celle qu'évoque la Sainte Ecriture, quelque chose comme une sobre satisfaction de l'esprit.

Disons-le autrement et disons-le sans peur : notre symposium fut, de l'aveu de tous les participants, un moment de grâce et de lumière. La recherche ardente de la vérité catholique, à travers l'erreur conciliaire, a été menée, il faut le préciser pour nos lecteurs, dans une atmosphère indescriptible de joie intellectuelle (gaudium de veritate), de gravité et de force. Les prêtres et les laïcs - au coude à coude pour la durée de ce symposium - avaient offert deux jours de leur temps à cette entreprise, cela ne va pas de soi! Chacun avait préparé son intervention, minutieusement (selon la règle préalable qui nous a réunis en ces journées : « tout participant est intervenant »). Chaque intervention était suivie d'un débat, au coins duquel était manifeste non la division mais l'unanimité et la volonté de progresser ensemble. Et le même scénario se reproduisait en même temps dans six salles pour six commissions différentes.

Quelle ivresse ? Une sobre satisfaction de l'esprit

Il vaut la peine de les énumérer, ces six commissions, pour donner à tous un aperçu de la richesse théologique (j'allais dire de la puissance de feu) de notre petite assemblée. La première commission - honorée par la présence et l'intervention précise de l'abbé de Cacqueray, supérieur du district - était consacrée à la nouvelle conception de l'homme et à la nouvelle doctrine sociale qui en découle. La seconde envisageait la nouvelle conscience que l'Eglise a voulu prendre d'elle-même à l'occasion de ce Concile, tout ce qui constitue une nouvelle ecclésiologie. La troisième commission a étudié plus particulièrement les relations entre l’Eglise et les autres religions, en sondant les raisons profondes du parti pris unanimiste qui se découvre dans les exhortations au dialogue constituant l'ordinaire de l'actuelle pratique magistérielle. La quatrième commission s'est occupée de liturgie et a tenté de caractériser (autour de l'idée de participation active) la nouvelle théologie de la célébration. La cinquième commission, certainement la plus technique, s est penchée sur la notion conciliaire de révélation, en revisitant la célèbre problématique théologique des sources de la foi. Quant à la sixième commission (last but not least), elle a souhaité se borner à étudier les faits en remettant Vatican II dans son contexte historique, tant il est vrai qu'il faut saisir les idées lorsqu'elles naissent, sans leur laisser le temps de s’engoncer dans la gangue d'un système clos.

Il importe aussi de donner un visage à toutes ces idées, au moins celui des présidents de commission : l'abbé de Tanoüarn, pour la première ; l'abbé Lagneau (venu spécialement du Séminaire de La Reja qu'il dirige en Argentine) pour la seconde; le Révérend Père Pierre Marie OP pour la troisième (il est saris conteste le théologien du couvent de La Haye aux Bonshommes) ; l'abbé Christophe Héry pour la quatrième (il prépare un livre très fouillé sur la question liturgique) ; le Révérend Père Emmanuel Marie OP, pour la cinquième (c'est le bibliste du couvent et l'actuel responsable de la revue théologique Le sel de la terre) ; enfin l'abbé Alain lorans, fondateur de l'Institut Universitaire Saint-Pie X, pour tout ce qui relève de l'histoire du Concile. On notera; dans cet organigramme, la présence en force des Pères dominicains, emmenés par leur supérieur le Père Innocent-Marie, co-organisateur du symposium avec l'abbé de Tanoüarn et Michel Moubèche. Il faut souligner également la venue de l'abbé Emmanuel du Chalard, organisateur à Rome et à Paris des Congrès théologiques de la revue Si Si No No, qui a chaleureusement encouragé les promoteurs de cette réunion.

Clercs et laïcs : deux cultures, une seule foi

Citer quelques thèmes plus particuliers ? Ce serait faire des jaloux, car chaque intervention avait son impact : il est décidément difficile de choisir, surtout pour le modeste reporter que je suis, et qui ne pouvait évidemment pas se trouver dans six salles à la fois. Il me semble que dans le climat de terrorisme intellectuel et spirituel qui règne en ce moment, il est inutile de citer les laïcs valeureux et compétents, chacun en son domaine, qui renforçaient, en nombre, et qui enrichirent par leur savoir la petite escouade des soutanes et des coules. Les professeurs de séminaire découvraient que leurs confrères dans le ministère continuaient eux aussi à travailler ; les professeurs à l'université côtoyaient les juristes ; clercs et laïcs conjuguaient deux cultures au service d'une seule foi. Magnifique témoignage d'union!

Deux évêques représentaient l'Eglise enseignante, parmi tous ces chercheurs : Mgr Williamson fit l'allocution inaugurale. II avait bien voulu traverser l'Atlantique pour marquer son soutien à notre initiative. Son parler franc, sa mesure, sa volonté d'exclure même l'apparence du sédévacantisme ont encouragé les congressistes dans la même direction. Consigne majeure : pas de langue de bois, objectivité d'abord! Mgr Tissier de Mallerais intervint plutôt au cours de la dernière demi-journée de ce symposium, lorsqu'il fallut rédiger la déclaration finale. Un document de travail avait été visé par les présidents de commissions, réunis sous son autorité. Restait à mettre sur pied la partie la plus délicate du programme : chacun des intervenants-participants était appelé à proposer des suggestions (sur le fond et sur la forme) pour améliorer ce document. Durant deux heures, Mgr Tissier écouta patiemment les uns et les autres énoncer à tour de rôle leurs propositions. Après une rapide concertation avec les organisateurs, il donnait posément son avis, dûment consigné, au fur et à mesure, par le greffier de cette séance peu ordinaire, Michel Franc, coordinateur pratique de notre symposium. Chacun rivalisa de discipline et de liberté d'esprit. Mgr Tissier de Mallerais cultivait, lui, surtout la patience. La déclaration finale que vous lirez dans les pages suivantes est le fruit de cet étonnant labeur...

Ce qui ressort d'abord de ces deux journées à huis clos, c'est qu'elles correspondaient manifestement à une attente... Le troisième jour, à l'espace Austerlitz, cette attente satisfaite a engendré un véritable enthousiasme : 800 personnes en permanence, pour des conférences qui s'annonçaient ardues : c'est bien le signe que des paroles libératrices ont été prononcées, que ces vérités théologiques sur le Concile, apparemment arides, étaient reçues par tous avec une sorte de soulagement, j'allais dire de gratitude envers l'autorité qui avait permis ce jour.