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Quelques stratégies post-concordataires de l'Eglise catholique en France au XXème siècle

Abbé G. de Tanoüarn

Nouvelle revue CERTITUDES - avril-mai-juin 2003 - n°14

1905 : La loi de Séparation de l'Eglise et de l'Etat est votée… Séparation ? Est-ce bien de cela qu'il s'agit ? Le terme ne se trouve pas dans le texte juridique dont nous célébrons l'anniversaire. Au XXème siècle, en pratique, la loi dite de séparation a été vécue comme une loi de ségrégation. C'est que, petit à petit, au long du siècle, s'affirmait la nature totalitaire de la démocratie dans sa variante républicaine : nous avons une démocratie qui se prend pour V unique pouvoir spirituel parce qu'elle veut régner sur les esprits et sur les cœurs avant toute autre chose. Dans la perspective chrétienne, depuis toujours, on répète, au contraire, qu'« il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes ». Deux obéissances qui renvoient à deux autorités différentes, l'autorité spirituelle et l'autorité temporelle, en perpétuelle négociation, en continuel débat… Malgré le législateur, ce débat a toujours lieu. Il a commencé entre Pilate et Jésus ; il portait déjà sur la royauté du Messie : « Tu es donc Roi ? — C'est toi-même qui le dis… » (Jo XVIII).

L'une des caractéristiques historiques du christianisme, c'est la dualité des pouvoirs qu'il instaure à partir du moment où il apparaît quelque part. Tous les observateurs du fait social reconnaissent avec Auguste Comte la fécondité de ce qui est non seulement l'ébauche d'un système politique mais un véritable trait de civilisation : « Par la division fondamentale des pouvoirs, organisée au Moyen Age entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel, déclare le fondateur du positivisme, les sociétés humaines ont pu être en même temps plus étendues et mieux ordonnées, combinaison que tous les législateurs et même tous les philosophes de l'antiquité avaient proclamée impossible. Avant cette époque, il n'y avait pas d'alternative entre la soumission la plus abjecte et la révolte directe. Et telles sont encore les sociétés, comme toutes celles organisées sous l'ascendant du paganisme, où les deux pouvoirs sont dès l'origine légalement confondus »...

Cette dualité libératrice entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel qui, spontanément, régnait en chrétienté durant tout le Moyen Age, a été remise en cause à l'aube des temps modernes, par la naissance de ce monstre que Hobbes, dans un livre mémorable, a pu appeler Léviathan, l'Etat, cet automate qui marche tout seul et qui possède le monopole de l'autorité, ce que l'on appellera la Souveraineté. Dans le long chapitre qu'il consacre au pouvoir ecclésiastique, le philosophe anglais tente de prouver, avec les arguments tirés de l'Ecriture que les clercs n'exercent aucune autorité et qu'ils jouissent simplement du pouvoir d'enseigner, il rencontre au passage le tenant catholique de la thèse opposée, saint Robert BELLARMIN, qui dans son De romano Pontifice défend l'autorité du souverain pontife et conçoit l'Eglise comme une monarchie. On sait le tragique quiproquo qui suit cette première confrontation entre la tradition chrétienne (qui est romaine) et la modernité politique, qui, alors, est anglaise. On a imaginé que la liberté se trouvait du côté de ceux qui remettaient en cause l'autorité pontificale. Pourtant au siècle dans les cercles, d'abord ultra-montains, qui se sont formés autour de Maistre, de Lamennais ou de Lacordaire, on a bien vu que ce pouvoir monarchique du pontife était fondé par Dieu pour résister à toute immersion totalisante du spirituel dans le temporel. Le génie du christianisme est structurellement duel ; il exalte une dualité jamais surmontée entre Dieu et le monde, entre le Créateur et la créature. Les métaphysiques chrétiennes, à partir de Boèce, réinterprèteront cette dualité fondamentale entre Dieu et le monde. A l'intérieur même de l'ordre créé, ils discerneront une dualité entre l'essence et l'existence. De la même manière, dans un ordre plus élevé, les théologies chrétiennes évoqueront la distinction entre la nature et la surnature. En politique aussi, on distinguera entre l'ordre naturel et l'ordre surnaturel. La loi divine, telle qu'elle se donne à connaître dans le livre sacré, n'empêchera jamais qu'existé et soit reconnue une loi naturelle ou un droit naturel, au sens par exemple où l'a exalté un saint Thomas d'Aquin, droit qui indique ce qui est juste pour l'homme tout entier, mais qui n'est pas le droit du chrétien en tant que tel. Le droit naturel tel que l'enseigne Léon XIII est valable pour tous les hommes, quelle que soit leur religion. Autant le droit musulman, par exemple, se formule comme une charia, une loi positive divine avec laquelle on ne discute pas et qui ne s'applique vraiment qu'à ses sectateurs, autant, au contraire, le droit chrétien, c'est d'abord ce droit naturel, que le code Justinien par exemple prend pour fondement de son discours. La liberté de ceux que l'on appelle les enfants de Dieu naît de cette dualité, qui interdit de considérer jamais l'homme sous un seul aspect, à l'intérieur d'une idéologie totalisante.

Cette dualité n'est ni une duplicité (à Dieu ne plaise !) ni une doublure ou un double emploi. Elle est le signe de la pureté essentielle du message spirituel du Christ et elle marque le recours toujours possible face à un pouvoir qui peut jamais tout parce qu'il n'est jamais seul.

La stratégie concordaire

Ce recours, il est vrai, s'effectue plus évidemment du pouvoir temporel au pouvoir spirituel, mais l'inverse est vrai aussi, car le pouvoir spirituel, laissé à lui-même, peut devenir tyrannique : comme le note Cajétan lorsqu'il réfléchit sur les situations limites où peut se déceler un schisme, le pouvoir du pape est d'autant plus facilement tyrannique, qu'il est plus grand, s'étendant pour les individus jusqu'au for interne, ce for dont le préteur lui-même ne juge pas : De internis non judicat Praetor. Les deux pouvoirs historiquement se limitent donc l'un l'autre, même si par nature, comme l'explique saint Thomas dans le De regno. le pouvoir spirituel l'emporte sur le pouvoir temporel, étant donnée la supériorité de sa fin.

Je suis en train de remonter avec vous, en philosophe impénitent, jusqu'à quelque chose comme l'origine du monde, du monde chrétien en tout cas. Mais venons-en aux concordats : la beauté du système concordataire, que nous avons étudié toute la journée, c'est qu'il entérine et qu'il officialise cette dualité chrétienne des pouvoirs, dans un contexte institutionnel qui (en France par exemple) peut être pratiquement athée. Le concordat napoléonien correspond ainsi à une reconnaissance de la croyance par un Etat juridiquement athée, et cette reconnaissance est positive et concrète puisque l'Etat subventionne les cultes d'une manière qui est loin d'être dérisoire. Le budget des cultes, note Claude Langlois, a pu représenter jusqu'à 45 % des budgets des quatre ministères gérant des personnels non militaires, l'Intérieur, la Justice, l'Instruction publique et les Cultes justement.

Il faut noter que les prêtres, mais aussi les religieuses, ont à ce moment-là une place encore prépondérante dans la société civile, ils interviennent dans le domaine de renseignement ou de la santé publique. Après 1880, suite à une envolée des dépenses budgétaires, la proportion du budget des cultes dans l'entretien de fonctionnaires non militaires est ramenée à 19 %. Signe des temps nouveaux : c'est l'Instruction publique qui représente désormais 43 % des dépenses. Ces différences au cours du temps sont la preuve de la souplesse du système concordataire : c'est un cadre, qui admet toutes sortes de formes concrètes différentes, selon des vécus sociaux potentiellement très distincts.

La Loi dite de 1905

Dans le système issu de la loi de 1905, on ne constate plus cette évaluation positive du pouvoir spirituel par le pouvoir temporel. Le rôle social du pouvoir spirituel s'en trouve limité d'autant. Certes, l'article premier de la Loi de 1905 stipule que « la République assure la liberté des consciences. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions indiquées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public ». Mais l'article 2 précise que cette même République « ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Je passe sur la question financière. Pour douloureuse qu'elle soit, elle admettra un certain nombre d'aménagements qui rendront cette clause supportable. C'est ainsi que le refus des cultuelles par le pape saint Pie X entraînera certes la spoliation et même parfois la destruction de biens d'Eglise, mais en même temps. l'Etat se verra obligé de faire face à l'entretien des édifices du culte, comme le note l'article 6 de la loi de 1908 : « L'Etat, les départements, les communes pourront engager les dépenses nécessaires pour l'entretien et la conservation des édifices du culte, dont la propriété leur est reconnue par la présente loi. » Parachevant ces dispositions, la loi de 1923, négociée entre Briand et le nonce Ceretti donnera finalement à l'évêque le monopole de l'utilisation légale de ces édifices. On retrouve là indéniablement quelque chose du système concordataire, où l'évêque était toujours considéré comme l'interlocuteur naturel de l'Etat et où la caution romaine était indispensable dans toute discussion de quelque importance, entre l'Eglise et l'Etat.

Grâce à l'héroïque résistance du pape saint Pie X, la question financière se trouva réglée, bon an mal an, mais sans dommage pour la constitution divine de l'Eglise, sans que des associations laïques ne prennent le pas sur la hiérarchie sacrée des évêques et des prêtres. Reste cependant, si on lit de près le texte de cette loi, un verbe, un simple verbe, mais qui pèsera particulièrement lourd sur les consciences. C’est en lui que trouve sa source la trop fameuse laïcité à la française, avec ses exclusives et son athéisme pratique : « L'Etat ne reconnaît aucun culte ».

Ce verbe reconnaître, employé négativement, sonne mal. La non-reconnaissance ! Est-ce mépris ? Ignorance ? Affectation purement formelle ? On peut dire - avec Emile Poulat -que le verbe "reconnaître" évoque le Concordat, qui ne "reconnaissait que les religions présentes traditionnellement sur le sol français. Mais ce verbe "reconnaître" sonne mal ! Le défaut de reconnaissance, affirmé au cœur de la loi, justifiera le paradoxe selon lequel l'Etat accepte de financer les partis politiques ou les activités culturelles, sans jamais condescendre à s'engager dans l'ordre proprement religieux.

En France, d'après cette loi de 1905, la religion représente une exception au sein même de la culture humaine. A suivre le législateur à la lettre, elle ne doit jamais être prise en considération par l'Etat laïc. La trop fameuse guerre des deux France est évidemment impliquée en germe dans ce mépris apparent de l'Etat pour l'Eglise. Dans notre pays, la laïcité se formule durablement comme un anticléricalisme militant, ainsi que l'a souvent souligné René Rémond. L'antichristianisme persistant aujourd'hui dans les médias et dans la société civile elle-même est sans doute un reliquat de cette culture du conflit, qui, en 1905, prend vigueur, de par la loi, le plus officiellement du monde, au sein même de l'Etat.

Séparation ou ségrégation?

Si l'on veut évaluer diverses stratégies post concordataires en France, il importe de souligner d'abord ce déficit de reconnaissance dont souffrent tous les fidèles dans notre pays, il est évident, comme le rappelait Jean de Viguerie, qu'ainsi entendue, la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat a contribué immédiatement au grand mouvement de déchristianisation auquel les clercs depuis un demi-siècle tentent fiévreusement de faire face (avec des fortunes diverses). La fracture historique, introduite par ce texte, est donc beaucoup plus profonde qu'elle n'en a l'air, et les questions financières pour douloureuses qu'elles soient toujours par nature, sont ici très secondaires.

Ce qui est en question c'est, à travers cette non reconnaissance de l'Eglise par l'Etat, la suppression pratique de la dualité des pouvoirs, qui était constitutive du vieux régime de chrétienté.

Dans un régime concordataire, quelles que soient les clauses du contrat, l'Etat reconnaît implicitement une légitimité à son partenaire ecclésiastique et il s'engage à n'intervenir que dans les limites de l'ordre public, c'est-à-dire autant qu'il ressort de ses compétences. Dans un régime de séparation à la française, en revanche, l'Etat, ne reconnaissant aucun culte, ne se donne aucune limite dans l'exercice de sa souveraineté. Il revendique, face à l'Eglise catholique et contre elle, un magistère moral, que l'Etat concordataire n'avait jamais songé à exercer. C’est en tout cas la note caractéristique du Parti radical, qui gouvernera la France durant plus d'un demi-siècle. Et c'est aussi la justification du nom (radical) qu'il s'est donné à lui-même : en France, toute légitimité est radicalement laïque. Le pouvoir laïque est le seul qui soit juridiquement reconnu comme tel de manière ordinaire : il s'est lui-même défait de son contrepoids spirituel, tout en annexant pratiquement l'ordre spirituel à ses propres compétences.

La séparation de l'Eglise et de l'Etat, telle qu'elle a eu lieu en France en 1905, ne correspond donc pas du tout à la distinction entre deux pouvoirs, le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel, ainsi que pourrait le faire croire l'intitulé de cette loi. Cette loi n'est pas une loi de séparation, mais, prise à la lettre, une loi de disqualification et de ségrégation : de non-reconnaissance. C’est, d'une manière très fondamentale, la mise en question de la possibilité, au sein de la modernité, d'un pouvoir spirituel distinct.

Clemenceau, dont le seul nom surfit à résumer la pensée et la pratique du radicalisme, avait bien noté ce qui est plus qu'une nuance, ce qui fait la nature même de la loi de 1905. Il soulignait à l'envi son originalité face aux situations antérieures de concordat. Entre les deux, rugissait le Tigre, dès le 23 novembre 1905, il faudra choisir, « ou bien vous allez faire une séparation qui finalement donnera raison à l'Eglise, ou bien vous allez faire une séparation qui donnera raison à la société moderne et à ses principes démocratiques ».

Quelle est cette séparation qui donne raison à l'Eglise, demanderez-vous peut-être ? C'est la séparation concordataire, où le pouvoir spirituel est reconnu par le pouvoir civil. Et Clemenceau continue : « Tout en rompant avec le concordat, la Chambre est restée dans l'esprit du Concordat ». Et le voilà qui y va de sa leçon de radicalisme : « Si vous voulez faire une loi qui ne soit pas en contradiction avec les lois générales de l'Eglise romaine, elle sera en contradiction avec les règles générales de la démocratie, il faut choisir entre les droits de Dieu et les droits de l'homme ».

Le législateur a entendu cette véhémente philippique : rompant avec toutes les formes de concordat, l'Etat à partir de 1905 déclare ne reconnaître aucun culte. Les droits de l'homme pourront ainsi s'imposer contre les droits de Dieu et, selon la célèbre formule de René Viviani, le laïcisme militant se vantera « d'avoir éteint dans le ciel des étoiles que l'on ne rallumera jamais ».

L'enjeu de cette non-reconnaissance affichée et revendiquée par l'Etat est simple : il s'agit de substituer une religion à une autre, le culte de l'homme au culte de Dieu, la religion civile de l'Humanité à la religion spirituelle du Christ-Roi. La République, ayant accompli motu proprio et en catimini une véritable révolution spirituelle, déclarait, en même temps, qu'elle se chargeait d'entretenir la flamme, en pourvoyant à l'éducation humaniste des citoyens.

La réponse de saint Pie X

Face à ce qu'il faut bien appeler le sectarisme affiché de la République (en particulier dans le domaine de l'éducation par exemple), il y eut une forte résistance des catholiques, qui dans leur ensemble, acceptèrent la stratégie de rupture avec l'Etat que le pape saint Pie X imposa aux évêques français : « Les fabricateurs de cette loi injuste ont voulu en faire une loi non de séparation mais d'oppression » déclarait le Pontife dans l'encyclique Festivitas, le 15 avril 1907. Et il affirmait, serein : « Nous attendons sans crainte le verdict de l'histoire. Elle dira que si, sûrs d'avance de votre générosité magnanime, nous n'avons pas hésité à vous dire que l'heure des sacrifices avait sonné, c'est pour rappeler au monde que l'homme doit nourrir ici-bas des considérations plus hautes que celles des contingences périssables de cette vie ». Dans l'encyclique Une fois encore du 6 janvier 1907, il posait clairement le dilemme : « Perfidement mis en demeure de choisir entre la ruine matérielle et une atteinte consentie à sa divine constitution (à travers l'acceptation des cultuelles dirigées par des laïcs), l'Eglise a refusé, même au prix de la pauvreté, de laisser toucher en elle à l'oeuvre de Dieu».

Les propositions d'Aristide Briand

Nous ne voulons pas nous attarder sur les modalités de ce refus. Reconnaissons cependant qu'il constitue une première stratégie post-concordataire, stratégie que l'on pourrait nommer identitaire : l'Eglise, sommée de céder aux conditions que lui fixe l'Etat laïque, sommée de s'incliner devant le Dieu nouveau et de faire allégeance à la religion laïque, a trouvé en elle-même la force de résister, au prix de lourds sacrifices. Au prix de spoliations sans contrepartie, elle n'a pas cédé aux diktats du pouvoir politique.

Sous Pie X, la catholicité vivra chrétiennement cette situation de ségrégation, qui au fond lui est familière, depuis les premières persécutions au début de l'ère chrétienne. Contre vents et marées, pendant près de 20 ans, l'Eglise persistera à affirmer son autorité sur ses fidèles, sans céder au chantage ni aux spoliations. Finalement, en 1923, dans le grand élan de l'union sacrée triomphante après guerre, Pie XI obtiendra d'Aristide Briand, contre la lettre de la loi de 1905, une reconnaissance des structures historiques de l'Eglise (de sa constitution divine comme dit Pie X) par l'Etat laïc. A ce moment, Pie XI admettra le principe des associations cultuelles - que Pie X avait refusé. Pour parvenir à ses fins, pour faire admettre ce principe associatif, qui privatisait les religions, l'Etat républicain a dû consentir à une concession de taille : les évêques seront considérés comme statutairement présidents des associations cultuelles, qui du coup correspondent aux diocèses. Bref l'Etat, qui se targuait de ne reconnaître aucun culte, admet et reconnaît la structure diocésaine de l'Eglise catholique.

Cet accord fera pour longtemps la popularité d'Aristide Briand dans les milieux conservateurs et démocrates chrétiens. Mais en même temps, il marque très officiellement la fin de la stratégie de résistance, initiée par Pie X. Désormais les évêques sont à nouveau (quoi qu'officieusement) approuvés par l'Etat avant d'être nommés sur leurs sièges épiscopaux.

La République n'a pas tout perdu, puisqu'elle obtient - dans cette tractation de 20 ans - une faculté pratique de veto sur toutes les nominations de dignitaires ecclésiastiques en France. C'est au moins l'acquis le plus visible. A y regarder de près, il faut ajouter autre chose. Certes la République, désormais, reconnaît la structure de l'Eglise catholique, mais elle n'offre aucune reconnaissance à la catholicité en tant que telle, ne serait-ce par exemple qu'en tant qu'elle est la culture de l'immense majorité des Français à l'époque. L'avancée diplomatique de l'Eglise ne se traduira par aucune position acquise dans cet ordre à la fois politique et culturel.

Pie XI ou le cléricalisme comme stratégie politique

L'esprit d'exclusion de la loi de 1905 - le Parti radical se trouvant toujours proche du pouvoir - demeura plus fort que les combinaisons juridiques imaginées par les stratèges en soutane du Vatican.

La religion catholique restait de fait, en tant que simple association cultuelle, une affaire privée, à l'intérieur de l'Etat. En aucun cas son autorité, vieille de vingt siècles, n'était ni reconnue ni prise en considération...

L'Eglise catholique, dans les années Trente, se trouve toujours dans une situation d'exclusion culturelle. Paradoxalement, la réponse de L'Eglise de Pie XI consiste dans un cléricalisme conscient de lui-même ainsi que cela apparaît dès l'encyclique programmatique Ubi arcano. Le caractère autoritaire du pontife va pouvoir se donner libre carrière. Mais cela se déroulera dans une sorte de no man's land purement idéologique, à l'usage des clercs et autres intellectuels, promus "vedettes" d'un renouveau mal assuré. L'Eglise étend son autorité sur le pré carré des fidèles, considérés comme à l'écart de la société laïque. Pie XI triomphe, la « philosophie catholique » de Blondel triomphe, le roman catholique s'affirme, l'action catholique est fondée (1925), la politique confessionnelle est encouragée dans toute l'Europe, en particulier en Allemagne.

En France même, les projets du pontife étaient ambitieux, il voulut créer un parti catholique, pour faire pièce au laïcisme et il pensait que la Fédération nationale catholique du général de Castelnau pouvait en être comme l'embryon. C’est ainsi que le 29 décembre 1929, lors du sacre du cardinal Verdier à Rome, le pape désignait avec fierté ceux qu'il appelait « les deux guides des catholiques de France » : il s'agissait, selon lui, de l'archevêque de Paris qu'il venait de sacrer et du président de la Fédération nationale catholique, ce fameux général. Inutile de dire que sur le terrain, cette stratégie pontificale eut encore moins de succès que le Ralliement de Léon XIII. Cette tentative de confessionnalisation de la vie politique française se solda par un échec électoral cuisant. De plus, elle coûta la condamnation de l'Action française, avec tous les déchirements qu'impliquait une telle décision, le pape donnant l'impression pénible de tirer sur ses propres troupes. Nous nous sommes interrogés, dans un précédent numéro de Certitudes sur les vraies raisons de cet acte, il est clair que le mouvement royaliste comportait beaucoup de catholiques, mais il était trop laïc au goût du pape. La stratégie cléricale d'Achille Ratti ne supportait pas les catholiques d'Action Française, il voulut en faire des catholiques de l'Action catholique.

Après l'échec électoral du Bloc catholique de Castelnau, il fallut se rabattre sur les mouvements laïcs d'Action catholique, étroitement inféodés à la hiérarchie et qui serviront finalement de vecteurs institutionnels concrets et de bras militant à la tentative de catholicisation de l'action politique, voulue par le pape Pie XI.

L'humanisme intégral de Jacques Maritain

Très significatif de cette nouvelle stratégie postconcordataire, initiée par le pape lui-même, est un long article de Jacques Maritain, paru dans la revue Sept du 12 avril 1935, et qui, aujourd'hui, sert d'appendice à ce grand classique de la philosophie politique qu'est Humanisme intégrai.

Le philosophe y distingue d'abord, en thomiste qu'il est, le spirituel et le temporel. Mais, parce que Maritain est rompu aux chinoiseries d'une certaine scolastique, il ajoute à cette perspective traditionnelle sur la dualité chrétienne entre le spirituel et le temporel, ce qu'il nomme de manière étonnante et très neuve un « troisième ordre ».

Précisons cette distinction maritainienne : il existe, ou croisement des deux ordres traditionnels, spirituel d'une part, temporel d'autre part, un « ordre temporel qui est [ce sont les propres termes du philosophe] comme infléchi vers l'ordre spirituel ». Dans cet « ordre nouveau », dans ce troisième ordre - politique somme toute - le chrétien agit non seulement en chrétien métis, précise Maritain, « en tant que chrétien » : « Et pour autant, note le philosophe lui-même, il engage l'Eglise ». Sans se poser de questions sur le caractère extrêmement artificiel de cette distinction, Maritain conclut avec assurance : « C'est sur ce troisième plan que le laïcat est appelé par l'Action catholique, à collaborer à l'apostolat de l'Eglise enseignante ».

L'invention de ce troisième ordre mènera les chrétiens en dehors de la réalité (qui est purement temporelle ou purement spirituelle). C’est le « Noman's land » que nous évoquions tout à l'heure, ni politique, ni spirituel, mais les deux à la fois. Jacques Maritain définit cet espace comme le lieu où s'exerce la militance catholique, le domaine de l'action catholique, de cet engagement confessionnel où enfin le catholique peut agir non seulement en catholique mais en tant que catholique. Hélas ! cet espace est un espace imaginaire, construit par l'intellectuel Maritain et qui n'a qu'un seul défaut, c'est qu'il n'existe pas. Les militants chrétiens vivront désormais dans une sorte de bulle irréelle, il ne faut pas s'étonner si leur générosité trouve dans cet univers sa limite et finit par se dissoudre dans les grands mots, dans les proclamations incendiaires ou dans la politicaillerie de bas étage.

Résultat de cette confusion officielle entre le spirituel et le temporel : ce No man's land, qui n'est ni politique, ni social, ni culturel, ne se laisse finalement concevoir que de manière purement idéologique. Les clercs (disons les intellectuels catholiques) instaurent spéculativement, dans un espace imaginaire, la chrétienté que leur cléricalisme leur interdit d'atteindre concrètement. L'Action catholique, au nom de ce blocage théologico-politique antitraditionnel, se laissera entraîner vers toutes sortes d'utopies, toutes pétries par les bonnes intentions du moment. Encore un peu de temps, et, après Vatican II, on décernera, de manière hautement biblique le qualificatif de « prophétiques » à ces militants perdus de plus en plus à gauche.

Les chrétiens se découvriront des points communs avec la gauche. Ils appuieront leur politique non sur les faits, non sur un enracinement social ou un travail électoral, encore moins sur les lois honnies de la physique sociale maurrassienne, mais plutôt sur une éthique désorbitée de tout ancrage dans le réel. C’est ainsi que Maritain quant à lui, avait élaboré ce qu'il appelait un idéal historique concret, celui de la chrétienté profane. Cette chrétienté profane, sorte de cercle carré, c'est son utopie à lui.

Si l'on y réfléchit bien, c'est sur la même lancée du pontificat de Pie XI, que quarante ans plus tard, le pape Paul VI, dans sa fameuse lettre au cardinal Roy, fera l'apologie de l'utopie. Ni spirituelle, ni temporelle, l'utopie chrétienne ne traduit-elle pas cet infléchissement du temporel vers le spirituel dont parlait Jacques Maritain ? « Cette forme de critique de la société existante, précise Paul VI en 1971, provoque souvent l'imagination prospective, à la fois pour percevoir dans le présent le possible ignoré qui s'y trouve inscrit et pour orienter vers un avenir neuf. Elle soutient ainsi la dynamique sociale par la confiance qu'elle donne aux forces inventives de l'esprit et du coeur humain (..) Le dynamisme de la foi chrétienne triomphe alors des calculs étroits de l'égoïsme. Animé par la puissance de l'esprit de Jésus-Christ, sauveur des hommes, soutenus par l'espérance, le chrétien s'engage dans la construction d'une cité humaine pacifique, juste et fraternelle etc » (Op. cit. 37).

Jean XXIII, Paul VI et l'utopie

Ces exigences, soi-disant spirituelles (disons plutôt idéalistes) de la politique chrétienne n'ont plus rien à voir avec les austères rappels de droit naturel dont le pape Léon XIII était coutumier et qui forment comme la substance de ses grandes encycliques, Rerum novarum, Immortale Dei ou Humanum genus. C’est que nous ne sommes plus dans l'ordre temporel, nous avons quitté le domaine concret de la Cité terrestre, et, sous la direction de Maritain, grand illusionniste, la pensée chrétienne a intégré, avec armes et bagages, ce mystérieux troisième ordre que le philosophe définissait lui-même comme un infléchissement du temporel vers le spirituel et que l'on peut donc à bon droit nommer : l'idéologie.

Il est difficile de comprendre Vatican II sans mettre ce concile en perspective et montrer que la stratégie du dernier concile est l'une des virtualités du pontificat de Pie XI. Mais autant l'action politique chrétienne, à l'époque de Pie XI, se marginalisait et s'évaporait dans le mirage de la confessionnalisation, autant sous le pape Paul VI, il ne lui reste plus grand chose de spécifiquement chrétien.

Que s'est-il passé entre ces deux états de l'enseignement social de l'Eglise ? Un bouleversement ? Il ne me semble pas. Je dirais qu'on peut observer un lent glissement à gauche du catholicisme, glissement qui n'est pas voulu par Pie XI, plutôt réactionnaire. On peut simplement soutenir que son pontificat prépare cette dérive politique de l'Eglise, en imposant des structures de pensée ternaires, inédite jusque-là.

Alors que les chrétiens avaient toujours vécu dans un régime de dualité avec le temporel, voilà qu'on invente ce « troisième ordre » - désormais celui de la doctrine sociale de l'Eglise - où se dessineront toutes les utopies d'origine chrétienne. Sous Pie XI, ce « troisième ordre » est comme la cristallisation de la volonté du pape à un moment donné de son pontificat, et parce que cette volonté, opportune ou inopportune, l'historien peut en discuter, reste indéniablement catholique, on ne se rend pas compte du changement.

Sous Jean XXIII, en particulier après Pacem in terris, ce troisième ordre, qui n'est ni spirituel ni temporel mais un peu les deux à la fois, sera visité par le mouvement de l'histoire comme dit le bon pape. Désormais l'espace neutre qui correspond au nouvel emplacement de la Doctrine Sociale de l'Eglise servira à exprimer l'émotion légendaire du pontife devant ces "signes des temps" que sont par exemple la tendance à plus d'égalité entre les hommes ou la promotion économique et sociale des classes laborieuses ou encore la sensibilité au problème de la dignité de l'homme. D'un seul coup, tout se passe comme si l'Eglise se réveillait à gauche...

S'agit-il seulement de la volonté d'un pape ? Je ne le crois pas. Dix ans avant « le bon pape Jean », le Père Chenu avait mis au jour cette dynamique de gauche que l'on pouvait discerner dans l'espace neutre (ni temporel ni spirituel) qu'était devenue la doctrine sociale de l'Eglise, à l'instigation de l'autoritaire Pie XI. Dans un article sur « Morale laïque et foi chrétienne » (repris in L'Evangile dans le temps P. 323), il expliquait dès 1953 : « Nous trouvons une authentique valeur religieuse, de type évangélique plus que métaphysique, même si elle ne se conceptualise pas en formules chrétiennes, dans certaines expériences de fraternité humaine, dans certaines exigences d'égalité des hommes, dans certaines volontés de justice collective, dans certains sentiments de révolution de l'humanité vers un statut communautaire ». Selon le célèbre dominicain. Dieu - le Christ lui-même - est impliqué implicitement dans cette conscience toujours plus vive que l'homme contemporain prend de ce que Fichte appelait sa « destination ».

Quant au « troisième ordre », cher à Jacques Maritcrin, on peut désormais comprendre pourquoi il n'est ni celui du temporel, des faits qui le régissent, des exigences qui le dirigent, ni celui du spirituel et de la vérité absolue qu'il porte. Ce troisième ordre - Chenu l'exprime admirablement dans cet article - c'est celui de la conscience humaine, juge infaillible de l'histoire et porte-Dieu, sanctuaire à l'ombre duquel naît toute vérité, élan à l'origine duquel se pose toute liberté authentique...

Jacques Maritain s'était contenté d'ajouter un ordre aux deux ordres traditionnels, il y voyait quant à lui surtout ce que l'autorité du pape lui disait d'y voir, il y mettait déjà, vraisemblablement cette connaissance pratico-pratique (ou encore « normative » comme il dit), à quoi il réduit la politique, contre toute la Tradition aristotélicienne et thomiste du droit naturel. On va se rendre compte petit à petit que ce « troisième ordre », qui est celui d'une super éthique non objectivable, rend inutile les deux autres. C'est ainsi que le Concile, au paragraphe 3 de la fameuse déclaration Dignitatis humanae. ira jusqu'à affirmer que la « médiation de la conscience » (conscientia mediante) est nécessaire pour découvrir « la vérité divine ». La dualité chrétienne est morte. Voici venu le règne de la conscience, et ce règne est un règne laïque.

La rencontre de deux intégrismes

C’est à ce point de l'histoire qu'intervient celui qui était en quelque sorte le prétexte de cette communication, Mgr Claude Dagens et son fameux rapport Proposer la toi dans la société actuelle. Dans sa vision des relations entre l'Eglise et l'Etat, il a pris acte de la suspension de toute dualité entre l'Eglise et le monde (et donc si l'on reprend notre grille de lecture il a entériné la réduction de la dualité originaire entre l'Eglise et l'Etat et la cristallisation de l'appareil ecclésiastique sur ce troisième terme éthique, qui se substitue finalement aux deux autres).

« En tant que citoyen et en tant qu'évêque »

Mais il va plus loin, bien évidemment. Pour lui, depuis 1905, sans paradoxe, l'Eglise doit se situer dans l'Etat : « Que la foi et l'Eglise doivent résolument se situer à l'intérieur de nos sociétés, c'est une exigence relativement nouvelle » note-t-il dans son dernier opuscule, audacieusement intitulé Va au Jorge (P. 47). Et il insiste : « On ne peut donc plus penser les relations entre la foi, l'Eglise et la société dans la seule perspective des rapports de force ou de face-à-face qui ont longtemps prévalu ». Pour lui l'ère concordataire qui organisait ce face à face est bel et bien achevée. Désormais, selon la formule de Marcel Gauchet qui est une référence constante pour Mgr Dagens, il faut concevoir la religion dans la démocratie, en donnant à cette préposition "dans" son maximum d'intensité significative : la religion ne se conçoit qu'à l'intérieur de la démocratie, comme un de ses éléments constitutifs.

Mgr Dagens lui-même, comme il le dit joliment, intervient « en tant que citoyen et en tant qu'évêque ». Mais ces deux titre renvoie à une même dignité, celle de la liberté en acte dans une conscience d'homme. Aujourd'hui du reste, « une des plus fortes raisons d'espérer en l'avenir, c'est de constater que le désir de Dieu habite des consciences et des coeurs ». Le redoublement de l'expression, « coeur » et « conscience » donne à penser. Entre le cœur, qui est biblique et augustinien, et la conscience, qui est (en tout cas prise en ce sens) la découverte fondamentale du concile Vatican II, le redoublement n'est certainement pas fortuit. C’est à travers la conscience humaine et son désir, nous l'avons dit, que passe la réinterprétation de la mission de l'Eglise. Le but du prêtre est d'établir le dialogue entre cette conscience et le Dieu tout puissant (qui oubliera un instant cette toute puissance et acceptera de se laisser médiatiser par la conscience adulte de l'homme d'aujourd'hui, médiatrice de toutes les vérités acceptables ou diables). « Cette ouverture résolue cru monde et à l'humanité, à toute personne humaine, s'appelle la mission chrétienne ».

Désormais, pour Mgr Dagens, l'Eglise et l'Etat ne sont plus deux forces qui s'opposent ni même deux partenaires, dont les finalités sont différentes mais qui collaborent dans un cadre juridiquement défini, dès que leurs efforts se recoupent. Cela, c'était la vieille logique, celle du concordat. Mais désormais « par la voix de ses pasteurs légitimes », l'Eglise explique qu'elle ne conçoit son rôle qu'à l'intérieur de celui de l'Etat, il n'est plus question de concorde entre eux ; il existe quelque chose comme une fusion.

Bientôt cent ans depuis la loi de "séparation'' de l'Eglise et de l'Etat. Aujourd'hui, la proximité idéologique de ces deux institutions est telle que l'on peut parler sans doute d'une nouvelle religion d'Etat, mais une religion d'Etat qui n'aurait plus besoin d'un cadre concordataire, puisque l'Eglise ne se penserait elle-même que comme une des fonctions de l'Etat. Nous sommes apparemment revenus au beau temps du paganisme romain.

A la vieille tentation théocratique, qui a traversé le Moyen Age chrétien, succède une sorte d’idéocratie, dans laquelle communient les autorités légales et les dignitaires ecclésiastiques. Succédant au régime chrétien de la dualité des pouvoirs, ce nouveau système se caractérise comme la fusion de deux intégrismes : l'intégrisme laïque, qui donne à l'Etat le monopole de l'autorité spirituelle dans la société et le néo-intégrisme clérical, qui rallie le premier, en acceptant de le servir.

Quand les évêques donnent l'exemple de la religion civile...

Lorsque les évêques entendent intervenir dans la vie sociale, avec une volonté affichée de « réhabiliter la politique », ils évoquent les haruspices d'autrefois, toujours prêts à mettre leur "science des entrailles'' au service du civisme romain. Exemple ? La "nouvelle droite" fait peur à Mgr Hippolyte Simon au point qu'il évoque la possibilité d'un retour vers une France païenne. Je crois que nous pouvons dire d'ores et déjà que cette France païenne n'est pas à chercher dans les dangers de l'extrémisme, quoi qu'on en pense, mais dans l'élaboration de ce corpus doctrinal où plusieurs de nos évêques, chacun à leur manière et avec leurs accents, préparent la renaissance d'une religion d'Etat ou plutôt s'agrègent à la religion laïque mondiale en cours de constitution. Dès 1983, Mgr Vilnet, alors président de la conférence épiscopale, avait déclaré : « Interlocutrice et non régente, ce ne sont pas des intérêts corporatistes que l'Eglise défend (les siens donc) mais l'homme, dont elle connaît la grandeur par la révélation de Dieu en Jésus-Christ. »

Nous avons essayé de montrer que cette idéologie du service de l'homme, qui implique tant de modestie de la part de l'Eglise, comme le rappelait encore récemment le Père Radcliffe, est issue du reniement de la dualité, qui, traditionnellement, constituait l'Eglise en face de l'Etat, comme une autorité plus haute, quoi que sans cesse menacée.

La question qui se pose aux catholiques est simple : l'Eglise avait-elle le droit de renier une autorité spirituelle qui lui vient du Christ, au nom de préoccupations stratégiques qui lui inspirent, comme une sorte d'impératif, de vivre en communion spirituelle avec l'Etat démocratique ?