L’actualité
religieuse a paru extrêmement chargée en France à partir du 31
mars dernier, date à laquelle le film de Mel Gibson La Passion du
Christ est sorti en salles. Chacun y est allé de son commentaire. Le
cardinal Lustiger a donné le ton à ses frères évêques en publiant
un communiqué où il déplorait de possibles interprétations
sado-masochistes du film, tout en se vantant de ne pas l’avoir vu. Les
journalistes craignaient une recrudescence de l’antisémitisme en
France. Finalement, selon un sondage commandé à la sortie des salles,
plus de 80 % des personnes interrogées n’ont pas vu la moindre
allusion antisémite, dans cette représentation de la Passion. Le pape
Jean Paul II aurait dit : « C’est comme c’était ». Et
j’entendais récemment René Girard tirer la conclusion de toute cette
affaire Gibson : « On a compris finalement que l’attitude des gens
vis-à-vis du film correspondait à leur sentiment vis-à-vis de la
Passion elle-même »... On peut mettre, bien entendu, tous les bémols
et toutes les nuances à une telle opinion, mais ce jugement reste vrai
(indépendamment de critiques d’ordre esthétique, historique ou
mystique que l’on peut faire au film de Gibson).
Et
c’est ce jugement qui a focalisé notre attention pour ce numéro de
Certitudes. D’autant plus qu’en France La Passion a coïncidé avec
une série télévisée sur Les origines du christianisme, que
l’on pouvait suivre sur la chaîne culturelle Arte. Les auteurs, Jérôme
Prieur et Gérard Mordillat, se sont fait une spécialité du reportage
biblique. Ils nous imposent comme prétendue scientifique leur image du
Christ. Mais ce sont les réactions suscitées par cette image d’un
Christ résolument et uniquement juif, n’ayant jamais seulement songé
à fonder une Église qui nous intéressent au premier chef. Là encore
les évêques sont décevants : Mgr Francis Deniau, auteur d’un livre
curieux intitulé Jésus l’ami déroutant, a tenu à lâcher du lest,
au nom de ses confrères. Le Christ, dit-il, n’est pas le fondateur
d’une Église. Il a simplement servi de fondement... Malgré quelques
critiques à leur endroit, il rejoint ainsi, en tant qu’évêque, la
critique essentielle de Prieur et Mordillat. Quant à Mgr Bruguès, évêque
d’Angers, il finit lui aussi par déclarer : « Cette série est bonne
pour l’Église »...
La
religion des évêques français est faite : “non” à Gibson. Petit
“oui” à Prieur et Mordillat. Mais que reste-t-il de la foi
catholique traditionnelle, quand on a dit oui à de telles thèses ? Si
cela continue, il faudra élaborer une nouvelle religion, sur les ruines
de l’ancienne. Dans ce numéro, nous publions le diagnostic de Jean
Madiran, qui, en toute indépendance et en toute amitié, rejoint le nôtre
sur ce point capital de l’avenir du christianisme.
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