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Prieur et Mordillat : le verbatim de la haine

Romain Koller

Nouvelle revue CERTITUDES - juillet-août-septembre 2003 - n°15

Gérard Mordillat et Jérôme Prieur se présentent comme des journalistes, cinéastes et écrivains. Ils prétendent avoir enquêté pendant de nombreuses années avant de réaliser la série Corpus Christi diffusée sur Arte en 1997. Sept ans après, la chaîne franco-allemande récidive, en présentant l’Origine du christianisme et Prieur et Mordillat préparent dès maintenant un sujet sur l’Apocalypse. Ils ont écrit, dans la foulée du premier volet, Jésus contre Jésus et Jésus, illustre et inconnu. Leur dernière livraison Jésus après Jésus reprend chapitre après chapitre l’émission sur l’Origine du christianisme. Ils ont écrit trois livres, dont le thème central est le Christ et le christianisme. Avant cette œuvre de prosélytisme anti-chrétien qu’ont-ils fait ? Ont-ils écrit, ont-ils filmé ? Nous nous interrogeons sur leur itinéraire. Est-ce bien nécessaire cependant ? Il suffit de décrypter le style de leur manipulation pour qu’apparaisse l’origine toute dialectique, et trotskiste en ce sens, de leur méthode subversive.

Ils n’ont pas de formation philosophique, théologique ou biblique. Ils sont encore moins des historiens ou des exégètes. Ils font parler les spécialistes en les scénarisant selon un plan bien précis. Ils ont une thèse qu’ils habillent, qu’ils crédibilisent, grâce à ce scénario. 

Ce sont donc avant tout des metteurs en scène ou plutôt des monteurs. Ils montent, ils construisent un nouvel évangile. Pour cela il faudra déconstruire, déstructurer, détruire, manipuler les écritures, les évider, les expurger de ce qui ne convient pas, aggraver ce qui pourrait accuser. Il faudra retrancher des paroles du Christ, en ajouter d’autres et les juxtaposer à des faits sans rapport. Avec cette technique qu’il faut analyser en détail, on fait dire tout et son contraire à n’importe qui.

On le verra, nos deux pseudo-spécialistes sont plutôt des idéologues, formés dans le doux nid du journalisme gauchisant. Ils se livrent à un véritable noyautage intellectuel des origines chrétiennes parce qu’ils ont entrepris de faire exploser le christianisme. En réalité on est en face de militants, animés par une haine non dite et qui ont mis de côté toute objectivité. Ils ont tenté de cacher leurs présupposés idéologiques en les camouflant derrière une surprenante et puissante tribune médiatique.

Nous devons pourtant remercier Prieur et Mordillat. Ils révèlent les limites de l’exégèse historico-critique. A force de grossir le trait, ce dernier enfle et la pseudo-explication qu’ils proposent explose sans coup férir. Nos deux compères agissent sur commande. Ce jeu coûte à la chaîne publique Arte 1,4 million d’euros pour la dernière émission seulement. Non content d’insulter les catholiques et leur foi, ils enregistrent des bénéfices sur le dos des contribuables, et en véritables chefs d’entreprises, ils vendent les produits dérivés de leurs petits méfaits avec le soutien de toute la profession, multipliant les entretiens, et parlant partout comme des oracles. Surtout pour tirer à boulets rouges contre le christianisme, grand Satan contemporain.

Mais revenons sur Corpus Christi, leur première émission. Dans Le Monde diplomatique d’avril 1997 on nous dit que rien ne prédisposait Gérard Mordillat et Jérôme Prieur à se lancer dans cette aventure. Ils avaient plutôt l’idée de réaliser une fiction sur le suaire de Turin. Dans la fiction, ils resteront. Mais ils auront réussi à nous faire croire à de la quasi-recherche fondamentale pour la suite de leur travail. On imagine ce qui serait resté du Saint-Suaire entre leurs mains expertes…

Voici comment, à l’époque, Le Monde diplomatique expose leurs  motivations : « C’est un travail purement laïque qu’ils ont entrepris avec un souci majeur : se défaire de deux à priori irrecevables à leurs yeux et qui selon eux obscurcissent le débat entre les chercheurs. D’une part, le “christo-centrisme”, qui consiste à partir du postulat que Jésus est le Christ, autrement dit le Fils de Dieu, et à estimer que cette certitude est indiscutable.

« Une volonté de désenchanter le texte »

D’autre part, le “soupçon de préméditation”, c’est-à-dire le préjugé selon lequel le Nouveau Testament a été écrit ou réécrit, dans le but de tromper les lecteurs et de les attirer vers l’Eglise… ». Les deux compères ajoutent à cette présentation déjà très significative : « Nous n’avons jamais voulu faire œuvre de démystification. On a fait un travail d’historiens et de lecteurs. Bien sûr il y a chez nous volonté de désenchanter le texte ». Ainsi, à les entendre, pour étudier le Nouveau Testament, il est irrecevable de croire au Christ, Fils de Dieu et il vaut mieux regarder les textes sacrés comme autant d’outils d’enrôlement, formant une propagande destinée à appâter le plus grand nombre.

Désenchanter…, c’est un jeu d’enfants pour Prieur et Mordillat de désenchanter les Ecritures. La société est désenchantée et les philosophes en ont fait le thème de leur dernière spéculation : un petit coup de pouce pour envoyer le Nouveau Testament dans la fosse à purin, c’est bien dans l’air du temps. La quasi-totalité de nos évêques ayant démissionné, il n’y a pas de danger à faire ce sale boulot. Il suffit d’utiliser les moyens et les relais ordinaires de terrorisme intellectuel au service de la pensée et de la gouvernance dominante. Pratiquant avec une allégresse non dissimulée la bonne vieille technique de la déconstruction proposée par Jacques Derrida, nos deux experts autoproclamés cherchent toujours à opposer l’Evangile à lui-même. Ils ont joué Jésus contre Jésus en 1999 aux éditions du Seuil, le remake de 2004 chez le même éditeur s’appelle Jésus après Jésus. La technique est la même, le but visé est la destruction de la religion du Christ qui se réduirait, si l’on en croit leur mise en scène pseudo-culturelle, à un simple avatar historique du judaïsme.

Un message à faire passer avec l’aide des médias

Partout la même rengaine qui fleure bon le marketing, la publicité, l’agence de communication.  « Trois ans de travail, 25 chercheurs d’horizons divers, austérité de mise, successions d’entretiens filmés en studio ». Le Point du 25 mars 2004 conclut : « l’anti-Gibson en somme ». Ce n’est pas si évident, à regarder de près les méthodes promotionnelles de Prieur et Mordillat.

On a pensé et repensé au slogan, au message. Combien d’argent a-t-il  été dépensé dans la communication, la publicité ? En tout cas, on a de nouveau estimé nécessaire de faire passer ce qui apparaît comme le message principal : nos scénaristes ont beaucoup travaillé – trois ans cette fois-ci, sept ans la dernière fois. L’atmosphère a été austère, comme si on se trouvait dans un laboratoire de recherche. En réalité, il s’est agi simplement pour nos deux “chercheurs”  d’interroger des spécialistes selon un scénario arrêté à l’avance. Ensuite il suffit d’écrire. Le travail d’écriture ne prend pas tant de temps. Le résultat reflète-t-il tant de peine, de labeur de la part des stakhanovistes Prieur et Mordillat ? Certes non. Des centaines d’ouvrages paraissent chaque année dans le monde faisant état des dernières découvertes en matière d’exégèse avec des spécialistes reconnus. Mais ils ne vous en parleront pas. La production Prieur et Mordillat, c’est l’enquête policière de Mary Higgins Clark au rayon Bible...

Il faut que ça sente le soufre, que les médias s’emparent de l’affaire et soufflent sur les braises. Il faut que ça sente la traque, l’hallali, l’odeur de la mort pour qu’Arte et le Seuil puissent vendre à grande échelle.

Et ce fut une excellente entreprise de communication qui a permis aux deux compères de se faire inviter sur tous les plateaux de télévision et d’être interrogés par la presse qui compte.

Mais c’est surtout à Mel Gibson que les deux spécialistes auto-promus puis validés par les copains coquins, doivent leur succès.

Le Monde du 9 avril 2004 écrit : « Il y a quelque chose d’inhabituel dans ces Pâques en préparation. C’est un drôle d’air du temps, une étrange et parfois pesante atmosphère. Voilà longtemps qu’on n’avait pas autant parlé de la croix, des souffrances du Christ et de leur sens. Tout cela est-il dû à Mel Gibson et à sa Passion du Christ sortie le 31 mars sur les écrans, précédée d’une réputation d’intégrisme militant et d’antisémitisme plus ou moins latent ? Pas seulement. Pour preuve, sur Arte, la remarquable série en dix épisodes de Gérard Mordillat et Jérôme Prieur racontant la naissance du christianisme, et sa difficile séparation du judaïsme qui l’a enfanté… Le récit des origines du christianisme est réussi. Il part d’un point de vue non pas hostile, mais indifférent à la foi chrétienne…il affirme que l’antijudaïsme dominerait les esprits de la jeune Eglise chrétienne née sur les ruines du Royaume d’Israël après la destruction du Temple par les légions de Titus ».

Des forts en gueule pour porter la contradiction

Quelle aubaine ! si le film La passion n’avait pas existé, il aurait fallu l’inventer, ont dû penser Prieur et Mordillat. Des sorties quasi simultanées, un choc frontal inespéré pour les promoteurs de l’émission et du livre Jésus après Jésus. Ils peuvent remercier Mel Gibson. On avait d’éminents spécialistes sur le sujet. Mais on a choisi les forts en gueule pour porter la contradiction. Avec la hiérarchie catholique, cela risquait d’être un peu mou ; on aurait pu s’endormir.

Premier message : Jésus est exécuté sur décision des autorités romaines

Les deux cinéastes-écrivains sont interrogés à l’occasion de l’émission et du livre dont ils sont les auteurs, pour en faire la promotion ; simultanément ils répondent aux questions concernant le Film : l’ensemble révèle la pensée qui les anime ; évidemment il n’y a personne en face pour contrer leurs propos, les mettre devant leur contradiction ; le film est jugé par avance, la presse est unanime. Les thèses de Prieur et Mordillat sur les origines reçoivent l’adoubement médiatique et la bénédiction des intellectuels qui comptent. Tout l’art de la communication consiste en l’occurrence à draper une fiction mensongère de l’auréole de la vérité enfin dévoilée, de l’imposture finalement démasquée. Recensons les thèses qu’ils développent au cours de cette campagne soigneusement orchestrée. Quels sont ces messages que Mordillat et Prieur martèlent pendant des semaines en prétextant l’objectivité et la neutralité ?

Premier message : Jésus est exécuté sur décision des autorités romaines ; le film de Gibson est antisémite parce qu’il masque cette réalité : « Jésus est un juif exécuté par les romains comme criminel politique », titre Le Point du 25 mars 2004 à propos de « L’affaire Jésus » en reprenant les termes de Mordillat et Prieur.

Dans l’interview qu’ils donnent à la presse, c’est une antienne : « Le film de Mel Gibson est de l’ordre de l’escroquerie. D’un point de vue historique, rappelons que Jésus est juif, qu’il a été condamné par des Romains et a subi le supplice de la croix qui était un supplice romain. Le film travestit cette réalité en querelle religieuse, en montrant des juifs comme responsables de la mort et de la souffrance de Jésus… Le projet du film est littéralement antisémite. Il suffit de regarder qui sont les bons et les méchants. Du côté des bons on a Jésus et quelques femmes. Tandis que les méchants sont les prêtres et le peuple juif surtout qui passe son temps à réclamer des châtiments… Le film fait durer le plaisir de la flagellation au-delà de la vérité historique qui fait accroître la charge contre les juifs accusés de l’avoir sacrifié » (Libération du 31 mars 2004).  Le Nouvel Obs, Le Point (25 mars 2004), L’Express et tous les autres grands titres de la presse reprennent en cœur cette nouvelle vérité, qui a l’avantage d’être exposée à longueur d’antenne sur les ondes, relayée dans des émissions comme C’est dans l’air sur la 5 ou  Culture et dépendances sur France 3 (7 avril 2004).

Second message : Tous les chrétiens sont juifs ; Jésus aurait eu horreur des chrétiens

« Il y a quelques mois encore, on avait l’impression de radoter quand on rappelait que Jésus était juif, que sa mère était juive, que ses disciples étaient juifs… Et quand on voit l’accueil fait à ce film, on se dit : eh bien non ! il va encore falloir dire et redire que le christianisme est à l’origine, une forme de judaïsme, et que sans le judaïsme, il n’y aurait pas eu de christianisme », rappellent les deux cinéastes dans le Nouvel Obs du 25 mars 2004.

Dans Paris match, en date du 22 avril, on oppose « deux historiens agnostiques mais épris de vérité, Gérard Mordillat et Jérôme Prieur » au film de Mel Gibson projetant « une imagerie contestable qui oppose deux des religions du Dieu unique, le judaïsme et le christianisme (…) Mordillat et Prieur, eux, sortent un Jésus après Jésus, où ils reprennent les thèmes de la série d’Arte sur la naissance du christianisme. Irène Frain, poursuit sans rire le rédacteur de Match, a su tirer de ces puits de science les informations sur le juif Jésus, Jacques, Pierre et Paul, puisées aux sources d’une investigation historique qui ne décourage ni le lyrisme, ni la foi ». Paris Match les a interrogés en compagnie de Mark Halter qui, souscrivant totalement aux propos de Mordillat et Prieur, déclare : « le christianisme est une affaire juive, et une affaire juive commence toujours par la famille ! Regardez Marie : c’est le prototype de la bonne mère juive. Elle croit en son fils, elle veut qu’il ait le pouvoir, elle est la seule à être là du début à la fin, alors que les disciples sont des trouillards : lorsqu’il y a danger, on ne les trouve plus ! » Question de Paris Match : « Mais les Evangiles montrent aussi un Jésus qui très souvent rabroue sa mère ». Marek Halter répond : «Logique : la mère juive est omniprésente. Alors comme beaucoup d’enfants juifs, Jésus n’est pas très gentil avec elle ».  Irène Frain demande dans le même entretien à Marek Halter si Paul est l’inventeur de l’antisémitisme. Réponse : « Paul est un homme qui s’adresse à ses frères. Ceux-ci lui crachent dessus ; il se met en colère et leur dit :  Vous serez exclus ! Vous êtes les empêcheurs, ceux qui empêchent la libération. Il est ainsi amené à les désigner comme les seuls coupables de la non-libération du monde. Et pour séduire les non-juifs, il leur fait de plus en plus de concessions… De toute façon, l’antijudaïsme comme l’antisémitisme existaient déjà dans le monde païen. En l’an 43 de notre ère, Apion, qui était païen, a dressé la liste de tous les préjugés antijuifs sous lesquels nous vivons encore aujourd’hui, tels qu’ils viennent d’être illustrés dans le film de Mel Gibson. » Nouvelle question de Paris Match : « Marek, que pensez-vous de l’affirmation de Gérard et Jérôme : “les chrétiens sont des juifs du 3ème type ?” » Réponse : « Je pense qu’à partir du moment où ils défendent l’idée du Dieu unique, universel, dont ont rêvé Abraham et tous les patriarches, Dieu égalitaire opposé à toutes les idéologies qui privilégient une caste, un groupe ou une secte, les chrétiens sont des juifs… les chrétiens sont tous juifs ».

En marge de leur explication sur le fond qui résume leur enquête, Mordillat et Prieur sont interrogés sur une polémique.  Selon Le Monde du 9 avril, la commission doctrinale des évêques de France aurait mis en garde Mordillat et Prieur en les accusant d’attribuer à tort à l’Eglise « une volonté délibérée de rompre avec le judaïsme et ainsi de réactiver les vieilles haines entre chrétiens et juifs ». Voici leur réponse : «  Nous ne contestons pas le droit aux évêques d’avoir prévenu leurs fidèles sur l’aspect dérangeant et troublant de nos émissions, mais Le Monde n’a cité que des aspects partiaux du communiqué des évêques, omettant leurs commentaires qui saluaient notre travail de recherche et d’historiens.… Nous ne faisons pas d’antijudaïsme, nous expliquons simplement que la séparation entre le christianisme et le judaïsme a été inutilement violente et qu’elle ne figurait pas dans le dessein premier du christianisme ». Marek Halter se déclare surpris par les attaques en provenance de milieux chrétiens dont le livre de Prieur et Mordillat est l’objet : « Dans leur livre, Mordillat et Prieur analysent les textes fondateurs du christianisme, sans remettre en question l’existence historique du Christ, ni sa grandeur. Ils essaient simplement de comprendre ce qui s’est vraiment passé à cette époque, contrairement à Mel Gibson, qui dans son film réduit Jésus à la souffrance et les juifs à la haine. Ils tentent également de retracer l’environnement familial et culturel du Christ. Ils soulignent avec raison que Jésus n’avait aucun contentieux avec Judas pour la simple raison qu’il était juif lui-même. Le débat qui l’avait opposé à Caïphe n’était qu’une controverse entre deux rabbins, non une opposition entre deux religions, puisque le christianisme n’existait pas encore. La démarche historique de ces deux écrivains tente de rapprocher les juifs et les chrétiens. Ils disent en substance que haïr le juif, c’est haïr le Christ. N’est-ce pas le message de l’Eglise d’aujourd’hui ? ».

Le lecteur aura remarqué que c’est là justement ce qui inquiète les évêques : que l’on puisse prêter à l’Eglise une volonté antisémite. Ils ne se posent pas de question quant au fond violemment anti-chrétien des propos de Prieur et Mordillat, ils ne récusent pas leur diatribe outrancière et blasphématoire contre le Christ. Le seul dogme à protéger, aujourd’hui, pour eux, c’est le rapprochement et la bonne entente à tout prix avec les Juifs. Il leur importe plus de défendre l’amitié que de respecter la vérité, la foi et l’histoire. Ils répètent en choeur avec Marek Halter : « Nous sommes tous juifs ». Oubliant la nouveauté radicale de la foi chrétienne et son fondement christique, ils se renient eux-mêmes.

Gérard Mordillat conclut dans un entretien donné au journal L’Humanité en date du 3 avril 2004 : « Il faut bien répéter un certain nombre d’évidences : Jésus n’a jamais été chrétien. Il n’a jamais connu un chrétien. Et ça lui aurait vraisemblablement fait horreur. C’était un juif observant, il n’y avait jamais chez lui l’idée de se séparer de sa religion ».

Troisième message : l’antijudaïsme est inscrit dans le Nouveau Testament

Troisième message : L’antijudaïsme est inscrit dans le Nouveau Testament ; Jésus n’a jamais voulu cette rupture et l’homme qui incarne ce divorce avec le judaïsme c’est Paul, premier antisémite de l’histoire chrétienne.

Le Nouvel Observateur dans l’édition du 25 mars 2004 questionne Mordillat et Prieur en accusant : « Avec le recul de l’histoire, les quelque soixante dix fois où [l’Evangile de Jean] utilise le mot juif, presque toujours de façon négative, pèsent quand même très lourds ». Prieur répond : « C’est vrai : cet antijudaïsme est inscrit dans ces textes, qui sont universellement connus du christianisme. Contre toute vraisemblance, Jean fait comme si les prêtres avaient pu manipuler Pilate pour obtenir l’exécution de Jésus. Les juifs sont donc sinon coupables, du moins coresponsables de ce qui est arrivé. Pierre reprend la même idée de façon encore plus radicale dans les Actes des Apôtres. Il accuse les hommes d’Israël d’avoir fait mourir Jésus en le clouant sur la croix par la main des impies…. Ce n’est que progressivement que le préfet romain est dépeint sous des traits de plus en plus favorables. Jusqu’à ce sommet, dans l’Evangile de Jean, où Pilate, le procureur, se fait l’avocat de la défense de Jésus ». Sur ce sujet Le Point répond comme en écho dans son édition du 25 mars 2004 : « Les Ecritures restent des sources intarissables de discussions. A preuve ces propositions de l’Amitié judéo-chrétienne de France (AJCF) pour corriger le mot juif dans l’Evangile de Jean, le dernier – 71 citations, contre 4 ou 5 chez les autres évangélistes ».

Reprenons le cours de l’interview du Nouvel Obs : Gérard Mordillat et Jérôme Prieur y expliquent que « Jésus n’a jamais rien écrit. Jésus respecte la loi, il a Israël pour perspective… Tous les antisémites du monde, Luther en premier, s’appuieront sur les Epîtres de Paul, où il est dit que les juifs sont les ennemis de tous les hommes, ou sur les versets de Jean et Matthieu. C’est une lecture antisémite qui nous ramène à Mel Gibson, autrement dit au niveau zéro de la réflexion. C’est aux mystères du Moyen Age que nous renvoie ce film profondément médiéval et archaïque. Et c’est aussi à partir de là que les mises en scène théâtrales de la Passion finissent régulièrement en pogroms ».

Quatrième message : Le christianisme reste une forme de judaïsme

Quatrième message : le christianisme est une école à l’intérieur du judaïsme, identifiée par référence à ce Galiléen qui se dit « messie ». Mais c’est un prophète parmi d’autres. Sa succession est une foire d’empoigne, une lutte dynastique pour le pouvoir.

« Paul n’a pas connu Jésus de son vivant. Il n’a jamais fait partie de la garde rapprochée du Seigneur, comme Pierre ou les autres apôtres. Il n’est pas non plus de la famille… Le christianisme reste majoritairement une forme de judaïsme. Et dans la communauté de Jérusalem, l’homme fort c’est Jacques. Son autorité semble avoir été supérieure à celle de Pierre… C’est lui le grand homme de l’époque. Jacques pratiquait un judaïsme particulièrement rigoureux, puisqu’on l’avait surnommé Jacques le juste. Sans la chute du Temple et sa destruction par les Romains, le christianisme aurait pu demeurer à l’intérieur du judaïsme… De ce point de vue, l’origine du christianisme ne devrait pas être datée de l’an 0 mais de l’an 70 » déclare Prieur dans le Nouvel Obs du 25 mars 2004.

La place manque pour recenser tous les mensonges, toutes les omissions, toutes les distorsions auxquels se sont livrés nos deux compères dans leur dernier livre Jésus après Jésus. Voici en attendant comme un échantillon de leur savoir-faire. Manifestement lorsque nous parlons d’Evangile, eux et nous, ce n’est pas le même texte que nous avons sous les yeux. Ici chaque phrase est une nouvelle invention, chaque affirmation une nouvelle fiction : « Jésus est peut-être plus marginal que les autres prophètes. Dans les textes cohabitent un Jésus tout amour et toute colère, qui déclare par exemple : qu’on m’amène mes ennemis et qu’on les égorge en ma présence ou qui parle à ses disciples en les vouant à l’Enfer éternel ! Dans les églises et les sermons, on ne fait jamais état de ces paroles redoutables. L’histoire de Jésus est d’abord une histoire de famille, il a des sœurs, Jacques est son frère, et sa succession est d’abord une affaire dynastique. La conviction de Jésus et de ceux qui l’entourent est que le Royaume qu’il annonce est terrestre et non pas céleste. C’est situé géographiquement sur la terre d’Israël et c’est pour maintenant. C’est donc très important qu’il y ait la famille dans la mesure où on voit, à travers les textes, qu’à la mort de Jésus lui succède son frère. Il y a là une succession dynastique qui nous inscrit dans cette réalité concrète, terrestre, une espérance qui n’est pas au-delà du temps. C’est une espérance immédiate… Dans les Actes des apôtres, qui racontent la naissance du mouvement chrétien, Pierre devient au contraire une sorte de commissaire politique, une statue qui fait la Loi et ne se trompe pas de direction ; celle d’un petit groupe de gens décidés à prendre le pouvoir à l’intérieur du judaïsme, et pour lequel tous les moyens sont bons. Y compris de se déchirer. Comme toute secte ce groupe est impitoyable si quelqu’un rompt le pacte ou trahit. Dans cette perspective, Judas pourrait être, en réalité, un homme qui a trahi le mouvement après la mort de Jésus. La lecture des textes nous montre qu’ils posent à chaque instant la question du pouvoir. La question de la violence, du pouvoir, des institutions court entre toutes les lignes des Evangiles ». Verbatim Mordillat et Prieur dans Paris Match du 22 avril 2004. Irène Frain, sans mollir écrit dans le même journal pour présenter nos deux faussaires, que leur travail contribue à « encourager le lyrisme et la foi ». C’est sans doute une manière de les lire. Nous n’avons pas quant à nous la même conception du lyrisme et nous voyons trop bien que de foi, il n’est pas question dans ces lignes.

En réalité nos deux auteurs qui prétendent faire une enquête sur le Christ et les origines du Christianisme se conduisent non en journalistes et en cinéastes mais en policiers.

C’est sur le mode policier que s’effectue cette enquête prétendument scientifique. La thèse est présupposée : il s’agit de mobiliser le moindre indice qui puisse lui donner quelque crédit. Comme les indices sont faibles, on interroge les textes inlassablement, et en les torturant, en les triturant en tous sens, on finit par leur faire dire ce que l’on en attendait. En fait de police, il faut le préciser mais vous l’aviez compris, nous sommes en présence d’une police politique, nous en reconnaissons les méthodes. Ce sont des procureurs, des “commissaires politiques” pour reprendre le terme qu’ils appliquent à l’apôtre Pierre dans la citation de Paris Match que nous vous avons mise sous les yeux. Ils tiennent leur coupable dès le début, le Christ et sa secte ; à l’image d’un Beria sous Staline, ou des Romains lors des persécutions des premiers siècles, il faut faire circuler des rumeurs mensongères, démonétiser, stigmatiser, anathématiser. On désigne les coupables à la vindicte populaire ; l’enquête n’est alors que de pure forme, l’instruction est partiale ou n’existe pas, les témoins sont enfermés dans un jeu de questions qui incluent et dirigent elles-mêmes les réponses. Les procès-verbaux sont truqués. L’essentiel, c’est d’arriver au bout, c’est-à-dire de faire parler les textes de n’importe quelle manière, de faire avouer les coupables à n’importe quel prix.  Pour y parvenir, on va donc créer une fiction qui aura la saveur du réel. C’est que les cinéastes sont au moins spécialistes de quelque chose : ce sont des as du trucage.

C’est ce qui leur permet de décréter avec autant d’assurance et d’autorité des conclusions irréversibles selon eux et qui sont manifestement contraires à ce que l’on peut lire dans les Ecritures. Ce que Prieur et Mordillat écrivent dans Jésus après Jésus est encore plus frappant, éclairant d’un jour nouveau, ou plutôt pétrifiant dans une nuit glaciale, les origines prétendument homicides du christianisme.