Ils
n’ont pas de formation philosophique, théologique ou biblique. Ils
sont encore moins des historiens ou des exégètes. Ils font parler les
spécialistes en les scénarisant selon un plan bien précis. Ils ont
une thèse qu’ils habillent, qu’ils crédibilisent, grâce à ce scénario.
Ce
sont donc avant tout des metteurs en scène ou plutôt des monteurs. Ils
montent, ils construisent un nouvel évangile. Pour cela il faudra déconstruire,
déstructurer, détruire, manipuler les écritures, les évider, les
expurger de ce qui ne convient pas, aggraver ce qui pourrait accuser. Il
faudra retrancher des paroles du Christ, en ajouter d’autres et les
juxtaposer à des faits sans rapport. Avec cette technique qu’il faut
analyser en détail, on fait dire tout et son contraire à n’importe
qui.
On
le verra, nos deux pseudo-spécialistes sont plutôt des idéologues,
formés dans le doux nid du journalisme gauchisant. Ils se livrent à un
véritable noyautage intellectuel des origines chrétiennes parce
qu’ils ont entrepris de faire exploser le christianisme. En réalité
on est en face de militants, animés par une haine non dite et qui ont
mis de côté toute objectivité. Ils ont tenté de cacher leurs présupposés
idéologiques en les camouflant derrière une surprenante et puissante
tribune médiatique.
Nous
devons pourtant remercier Prieur et Mordillat. Ils révèlent les
limites de l’exégèse historico-critique. A force de grossir le
trait, ce dernier enfle et la pseudo-explication qu’ils proposent
explose sans coup férir. Nos deux compères agissent sur commande. Ce
jeu coûte à la chaîne publique Arte 1,4 million d’euros pour la
dernière émission seulement. Non content d’insulter les catholiques
et leur foi, ils enregistrent des bénéfices sur le dos des
contribuables, et en véritables chefs d’entreprises, ils vendent les
produits dérivés de leurs petits méfaits avec le soutien de toute la
profession, multipliant les entretiens, et parlant partout comme des
oracles. Surtout pour tirer à boulets rouges contre le christianisme,
grand Satan contemporain.
Mais
revenons sur Corpus Christi, leur première
émission. Dans Le Monde diplomatique d’avril
1997 on nous dit que rien ne prédisposait Gérard Mordillat et Jérôme
Prieur à se lancer dans cette aventure. Ils avaient plutôt l’idée
de réaliser une fiction sur le suaire de Turin. Dans la fiction, ils
resteront. Mais ils auront réussi à nous faire croire à de la
quasi-recherche fondamentale pour la suite de leur travail. On imagine
ce qui serait resté du Saint-Suaire entre leurs mains expertes…
Voici
comment, à l’époque, Le Monde diplomatique expose
leurs motivations : « C’est un travail purement laïque
qu’ils ont entrepris avec un souci majeur : se défaire de deux
à priori irrecevables à leurs yeux et qui selon eux obscurcissent le débat
entre les chercheurs. D’une part, le “christo-centrisme”, qui
consiste à partir du postulat que Jésus est le Christ, autrement dit
le Fils de Dieu, et à estimer que cette certitude est indiscutable.
«
Une volonté de désenchanter le texte »
D’autre
part, le “soupçon de préméditation”, c’est-à-dire le préjugé
selon lequel le Nouveau Testament a été écrit ou réécrit, dans le
but de tromper les lecteurs et de les attirer vers l’Eglise… ».
Les deux compères ajoutent à cette présentation déjà très
significative : « Nous n’avons jamais voulu faire œuvre de démystification.
On a fait un travail d’historiens et de lecteurs. Bien sûr il y a
chez nous volonté de désenchanter le texte ». Ainsi, à les
entendre, pour étudier le Nouveau Testament, il est irrecevable de
croire au Christ, Fils de Dieu et il vaut mieux regarder les textes sacrés
comme autant d’outils d’enrôlement, formant une propagande destinée
à appâter le plus grand nombre.
Désenchanter…,
c’est un jeu d’enfants pour Prieur et Mordillat de désenchanter les
Ecritures. La société est désenchantée et les philosophes en ont
fait le thème de leur dernière spéculation : un petit coup de
pouce pour envoyer le Nouveau Testament dans la fosse à purin, c’est
bien dans l’air du temps. La quasi-totalité de nos évêques ayant démissionné,
il n’y a pas de danger à faire ce sale boulot. Il suffit d’utiliser
les moyens et les relais ordinaires de terrorisme intellectuel au
service de la pensée et de la gouvernance dominante. Pratiquant avec
une allégresse non dissimulée la bonne vieille technique de la déconstruction
proposée par Jacques Derrida, nos deux experts autoproclamés cherchent
toujours à opposer l’Evangile à lui-même. Ils ont joué Jésus
contre Jésus en 1999 aux éditions du Seuil, le remake de 2004 chez
le même éditeur s’appelle Jésus après Jésus.
La technique est la même, le but visé est la destruction de la
religion du Christ qui se réduirait, si l’on en croit leur mise en scène
pseudo-culturelle, à un simple avatar historique du judaïsme.
Un
message à faire passer avec l’aide des médias
Partout
la même rengaine qui fleure bon le marketing, la publicité, l’agence
de communication. « Trois ans de travail, 25 chercheurs
d’horizons divers, austérité de mise, successions d’entretiens
filmés en studio ». Le Point du 25
mars 2004 conclut : « l’anti-Gibson en somme ». Ce
n’est pas si évident, à regarder de près les méthodes
promotionnelles de Prieur et Mordillat.
On
a pensé et repensé au slogan, au message. Combien d’argent a-t-il
été dépensé dans la communication, la publicité ? En tout cas,
on a de nouveau estimé nécessaire de faire passer ce qui apparaît
comme le message principal : nos scénaristes ont beaucoup travaillé
– trois ans cette fois-ci, sept ans la dernière fois. L’atmosphère
a été austère, comme si on se trouvait dans un laboratoire de
recherche. En réalité, il s’est agi simplement pour nos deux
“chercheurs” d’interroger des spécialistes selon un scénario
arrêté à l’avance. Ensuite il suffit d’écrire. Le travail d’écriture
ne prend pas tant de temps. Le résultat reflète-t-il tant de peine, de
labeur de la part des stakhanovistes Prieur et Mordillat ? Certes
non. Des centaines d’ouvrages paraissent chaque année dans le monde
faisant état des dernières découvertes en matière d’exégèse avec
des spécialistes reconnus. Mais ils ne vous en parleront pas. La
production Prieur et Mordillat, c’est l’enquête policière de Mary
Higgins Clark au rayon Bible...
Il
faut que ça sente le soufre, que les médias s’emparent de
l’affaire et soufflent sur les braises. Il faut que ça sente la
traque, l’hallali, l’odeur de la mort pour qu’Arte et le Seuil
puissent vendre à grande échelle.
Et
ce fut une excellente entreprise de communication qui a permis aux deux
compères de se faire inviter sur tous les plateaux de télévision et
d’être interrogés par la presse qui compte.
Mais
c’est surtout à Mel Gibson que les deux spécialistes auto-promus
puis validés par les copains coquins, doivent leur succès.
Le
Monde du 9 avril 2004 écrit : « Il y a quelque chose
d’inhabituel dans ces Pâques en préparation. C’est un drôle
d’air du temps, une étrange et parfois pesante atmosphère. Voilà
longtemps qu’on n’avait pas autant parlé de la croix, des
souffrances du Christ et de leur sens. Tout cela est-il dû à Mel
Gibson et à sa Passion du Christ sortie le 31 mars sur les écrans, précédée
d’une réputation d’intégrisme militant et d’antisémitisme plus
ou moins latent ? Pas seulement. Pour preuve, sur Arte, la
remarquable série en dix épisodes de Gérard Mordillat et Jérôme
Prieur racontant la naissance du christianisme, et sa difficile séparation
du judaïsme qui l’a enfanté… Le récit des origines du
christianisme est réussi. Il part d’un point de vue non pas hostile,
mais indifférent à la foi chrétienne…il affirme que l’antijudaïsme
dominerait les esprits de la jeune Eglise chrétienne née sur les
ruines du Royaume d’Israël après la destruction du Temple par les légions
de Titus ».
Des
forts en gueule pour porter la contradiction
Quelle
aubaine ! si le film La passion
n’avait pas existé, il aurait fallu l’inventer, ont dû penser
Prieur et Mordillat. Des sorties quasi simultanées, un choc frontal
inespéré pour les promoteurs de l’émission et du livre Jésus
après Jésus. Ils peuvent remercier Mel Gibson. On avait d’éminents
spécialistes sur le sujet. Mais on a choisi les forts en gueule pour
porter la contradiction. Avec la hiérarchie catholique, cela risquait
d’être un peu mou ; on aurait pu s’endormir.
Premier
message : Jésus est exécuté sur décision des autorités romaines
Les
deux cinéastes-écrivains sont interrogés à l’occasion de l’émission
et du livre dont ils sont les auteurs, pour en faire la promotion ;
simultanément ils répondent aux questions concernant le Film :
l’ensemble révèle la pensée qui les anime ; évidemment il
n’y a personne en face pour contrer leurs propos, les mettre devant
leur contradiction ; le film est jugé par avance, la presse est
unanime. Les thèses de Prieur et Mordillat sur les origines reçoivent
l’adoubement médiatique et la bénédiction des intellectuels qui
comptent. Tout l’art de la communication consiste en l’occurrence à
draper une fiction mensongère de l’auréole de la vérité enfin dévoilée,
de l’imposture finalement démasquée. Recensons les thèses qu’ils
développent au cours de cette campagne soigneusement orchestrée. Quels
sont ces messages que Mordillat et Prieur martèlent pendant des
semaines en prétextant l’objectivité et la neutralité ?
Premier
message : Jésus est exécuté sur décision des autorités
romaines ; le film de Gibson est antisémite parce qu’il masque
cette réalité : « Jésus est un juif exécuté par les romains
comme criminel politique », titre Le Point
du 25 mars 2004 à propos de « L’affaire Jésus » en
reprenant les termes de Mordillat et Prieur.
Dans
l’interview qu’ils donnent à la presse, c’est une antienne : «
Le film de Mel Gibson est de l’ordre de l’escroquerie. D’un
point de vue historique, rappelons que Jésus est juif, qu’il a été
condamné par des Romains et a subi le supplice de la croix qui était
un supplice romain. Le film travestit cette réalité en querelle
religieuse, en montrant des juifs comme responsables de la mort et de la
souffrance de Jésus… Le projet du film est littéralement antisémite.
Il suffit de regarder qui sont les bons et les méchants. Du côté des
bons on a Jésus et quelques femmes. Tandis que les méchants sont les
prêtres et le peuple juif surtout qui passe son temps à réclamer des
châtiments… Le film fait durer le plaisir de la flagellation au-delà
de la vérité historique qui fait accroître la charge contre les juifs
accusés de l’avoir sacrifié » (Libération
du 31 mars 2004). Le Nouvel Obs, Le Point
(25 mars 2004), L’Express et tous les
autres grands titres de la presse reprennent en cœur cette nouvelle vérité,
qui a l’avantage d’être exposée à longueur d’antenne sur les
ondes, relayée dans des émissions comme C’est
dans l’air sur la 5 ou Culture et dépendances
sur France 3 (7 avril 2004).
Second
message : Tous les chrétiens sont juifs ; Jésus aurait eu
horreur des chrétiens
« Il
y a quelques mois encore, on avait l’impression de radoter quand on
rappelait que Jésus était juif, que sa mère était juive, que ses
disciples étaient juifs… Et quand on voit l’accueil fait à ce
film, on se dit : eh bien non ! il va encore falloir dire et
redire que le christianisme est à l’origine, une forme de judaïsme,
et que sans le judaïsme, il n’y aurait pas eu de christianisme »,
rappellent les deux cinéastes dans le Nouvel
Obs du 25 mars 2004.
Dans
Paris match, en date du 22 avril, on oppose
« deux historiens agnostiques mais épris de vérité, Gérard
Mordillat et Jérôme Prieur » au film de Mel Gibson projetant « une
imagerie contestable qui oppose deux des religions du Dieu unique, le
judaïsme et le christianisme (…) Mordillat et Prieur, eux, sortent un
Jésus après Jésus, où ils reprennent les
thèmes de la série d’Arte sur la naissance du christianisme. Irène
Frain, poursuit sans rire le rédacteur de Match,
a su tirer de ces puits de science les informations sur le juif Jésus,
Jacques, Pierre et Paul, puisées aux sources d’une investigation
historique qui ne décourage ni le lyrisme, ni la foi ». Paris
Match les a interrogés en compagnie de Mark Halter qui, souscrivant
totalement aux propos de Mordillat et Prieur, déclare : « le
christianisme est une affaire juive, et une affaire juive commence
toujours par la famille ! Regardez Marie : c’est le
prototype de la bonne mère juive. Elle croit en son fils, elle veut
qu’il ait le pouvoir, elle est la seule à être là du début à la
fin, alors que les disciples sont des trouillards : lorsqu’il y a
danger, on ne les trouve plus ! » Question de Paris
Match : « Mais les Evangiles montrent aussi un Jésus qui très
souvent rabroue sa mère ». Marek Halter répond : «Logique :
la mère juive est omniprésente. Alors comme beaucoup d’enfants
juifs, Jésus n’est pas très gentil avec elle ». Irène
Frain demande dans le même entretien à Marek Halter si Paul est
l’inventeur de l’antisémitisme. Réponse : « Paul
est un homme qui s’adresse à ses frères. Ceux-ci lui crachent dessus ;
il se met en colère et leur dit : Vous serez exclus !
Vous êtes les empêcheurs, ceux qui empêchent la libération. Il est
ainsi amené à les désigner comme les seuls coupables de la non-libération
du monde. Et pour séduire les non-juifs, il leur fait de plus en plus
de concessions… De toute façon, l’antijudaïsme comme l’antisémitisme
existaient déjà dans le monde païen. En l’an 43 de notre ère,
Apion, qui était païen, a dressé la liste de tous les préjugés
antijuifs sous lesquels nous vivons encore aujourd’hui, tels qu’ils
viennent d’être illustrés dans le film de Mel Gibson. » Nouvelle
question de Paris Match : « Marek,
que pensez-vous de l’affirmation de Gérard et Jérôme : “les
chrétiens sont des juifs du 3ème type ?” » Réponse : «
Je pense qu’à partir du moment où ils défendent l’idée du Dieu
unique, universel, dont ont rêvé Abraham et tous les patriarches, Dieu
égalitaire opposé à toutes les idéologies qui privilégient une
caste, un groupe ou une secte, les chrétiens sont des juifs… les chrétiens
sont tous juifs ».
En
marge de leur explication sur le fond qui résume leur enquête,
Mordillat et Prieur sont interrogés sur une polémique. Selon
Le Monde du 9 avril, la commission
doctrinale des évêques de France aurait mis en garde Mordillat et
Prieur en les accusant d’attribuer à tort à l’Eglise « une
volonté délibérée de rompre avec le judaïsme et ainsi de réactiver
les vieilles haines entre chrétiens et juifs ». Voici leur réponse : «
Nous ne contestons pas le droit aux évêques d’avoir prévenu leurs
fidèles sur l’aspect dérangeant et troublant de nos émissions, mais
Le Monde n’a cité que des aspects
partiaux du communiqué des évêques, omettant leurs commentaires qui
saluaient notre travail de recherche et d’historiens.… Nous ne
faisons pas d’antijudaïsme, nous expliquons simplement que la séparation
entre le christianisme et le judaïsme a été inutilement violente et
qu’elle ne figurait pas dans le dessein premier du christianisme ».
Marek Halter se déclare surpris par les attaques en provenance de
milieux chrétiens dont le livre de Prieur et Mordillat est l’objet : « Dans
leur livre, Mordillat et Prieur analysent les textes fondateurs du
christianisme, sans remettre en question l’existence historique du
Christ, ni sa grandeur. Ils essaient simplement de comprendre ce qui
s’est vraiment passé à cette époque, contrairement à Mel Gibson,
qui dans son film réduit Jésus à la souffrance et les juifs à la
haine. Ils tentent également de retracer l’environnement familial et
culturel du Christ. Ils soulignent avec raison que Jésus n’avait
aucun contentieux avec Judas pour la simple raison qu’il était juif
lui-même. Le débat qui l’avait opposé à Caïphe n’était
qu’une controverse entre deux rabbins, non une opposition entre deux
religions, puisque le christianisme n’existait pas encore. La démarche
historique de ces deux écrivains tente de rapprocher les juifs et les
chrétiens. Ils disent en substance que haïr le juif, c’est haïr le
Christ. N’est-ce pas le message de l’Eglise d’aujourd’hui ?
».
Le
lecteur aura remarqué que c’est là justement ce qui inquiète les évêques :
que l’on puisse prêter à l’Eglise une volonté antisémite. Ils ne
se posent pas de question quant au fond violemment anti-chrétien des
propos de Prieur et Mordillat, ils ne récusent pas leur diatribe
outrancière et blasphématoire contre le Christ. Le seul dogme à protéger,
aujourd’hui, pour eux, c’est le rapprochement et la bonne entente à
tout prix avec les Juifs. Il leur importe plus de défendre l’amitié
que de respecter la vérité, la foi et l’histoire. Ils répètent en
choeur avec Marek Halter : « Nous sommes tous juifs ».
Oubliant la nouveauté radicale de la foi chrétienne et son fondement
christique, ils se renient eux-mêmes.
Gérard
Mordillat conclut dans un entretien donné au journal L’Humanité
en date du 3 avril 2004 : « Il faut bien répéter un
certain nombre d’évidences : Jésus n’a jamais été chrétien.
Il n’a jamais connu un chrétien. Et ça lui aurait vraisemblablement
fait horreur. C’était un juif observant, il n’y avait jamais chez
lui l’idée de se séparer de sa religion ».
Troisième
message : l’antijudaïsme est inscrit dans le Nouveau Testament
Troisième
message : L’antijudaïsme est inscrit dans le Nouveau Testament ;
Jésus n’a jamais voulu cette rupture et l’homme qui incarne ce
divorce avec le judaïsme c’est Paul, premier antisémite de
l’histoire chrétienne.
Le
Nouvel Observateur dans l’édition du 25 mars 2004 questionne
Mordillat et Prieur en accusant : « Avec le recul de
l’histoire, les quelque soixante dix fois où [l’Evangile de Jean]
utilise le mot juif, presque toujours de façon négative, pèsent quand
même très lourds ». Prieur répond : « C’est vrai : cet
antijudaïsme est inscrit dans ces textes, qui sont universellement
connus du christianisme. Contre toute vraisemblance, Jean fait comme si
les prêtres avaient pu manipuler Pilate pour obtenir l’exécution de
Jésus. Les juifs sont donc sinon coupables, du moins coresponsables de
ce qui est arrivé. Pierre reprend la même idée de façon encore plus
radicale dans les Actes des Apôtres. Il
accuse les hommes d’Israël d’avoir fait mourir Jésus en le clouant
sur la croix par la main des impies…. Ce n’est que progressivement
que le préfet romain est dépeint sous des traits de plus en plus
favorables. Jusqu’à ce sommet, dans l’Evangile de Jean, où Pilate,
le procureur, se fait l’avocat de la défense de Jésus ». Sur
ce sujet Le Point répond comme en écho
dans son édition du 25 mars 2004 : « Les Ecritures
restent des sources intarissables de discussions. A preuve ces
propositions de l’Amitié judéo-chrétienne de France (AJCF) pour
corriger le mot juif dans l’Evangile de Jean, le dernier – 71
citations, contre 4 ou 5 chez les autres évangélistes ».
Reprenons
le cours de l’interview du Nouvel Obs :
Gérard Mordillat et Jérôme Prieur y expliquent que « Jésus
n’a jamais rien écrit. Jésus respecte la loi, il a Israël pour
perspective… Tous les antisémites du monde, Luther en premier,
s’appuieront sur les Epîtres de Paul, où il est dit que les juifs
sont les ennemis de tous les hommes, ou sur les versets de Jean et
Matthieu. C’est une lecture antisémite qui nous ramène à Mel
Gibson, autrement dit au niveau zéro de la réflexion. C’est aux mystères
du Moyen Age que nous renvoie ce film profondément médiéval et archaïque.
Et c’est aussi à partir de là que les mises en scène théâtrales
de la Passion finissent régulièrement en pogroms ».
Quatrième
message : Le christianisme reste une forme de judaïsme
Quatrième
message : le christianisme est une école à l’intérieur du judaïsme,
identifiée par référence à ce Galiléen qui se dit « messie ».
Mais c’est un prophète parmi d’autres. Sa succession est une foire
d’empoigne, une lutte dynastique pour le pouvoir.
« Paul
n’a pas connu Jésus de son vivant. Il n’a jamais fait partie de la
garde rapprochée du Seigneur, comme Pierre ou les autres apôtres. Il
n’est pas non plus de la famille… Le christianisme reste
majoritairement une forme de judaïsme. Et dans la communauté de Jérusalem,
l’homme fort c’est Jacques. Son autorité semble avoir été supérieure
à celle de Pierre… C’est lui le grand homme de l’époque. Jacques
pratiquait un judaïsme particulièrement rigoureux, puisqu’on
l’avait surnommé Jacques le juste. Sans la chute du Temple et sa
destruction par les Romains, le christianisme aurait pu demeurer à
l’intérieur du judaïsme… De ce point de vue, l’origine du
christianisme ne devrait pas être datée de l’an 0 mais de l’an 70
» déclare Prieur dans le Nouvel Obs du 25
mars 2004.
La
place manque pour recenser tous les mensonges, toutes les omissions,
toutes les distorsions auxquels se sont livrés nos deux compères dans
leur dernier livre Jésus après Jésus.
Voici en attendant comme un échantillon de leur savoir-faire.
Manifestement lorsque nous parlons d’Evangile, eux et nous, ce n’est
pas le même texte que nous avons sous les yeux. Ici chaque phrase est
une nouvelle invention, chaque affirmation une nouvelle fiction :
« Jésus est peut-être plus marginal que les autres prophètes.
Dans les textes cohabitent un Jésus tout amour et toute colère, qui déclare
par exemple : qu’on m’amène mes ennemis et qu’on les égorge
en ma présence ou qui parle à ses disciples en les vouant à l’Enfer
éternel ! Dans les églises et les sermons, on ne fait jamais état
de ces paroles redoutables. L’histoire de Jésus est d’abord une
histoire de famille, il a des sœurs, Jacques est son frère, et sa
succession est d’abord une affaire dynastique. La conviction de Jésus
et de ceux qui l’entourent est que le Royaume qu’il annonce est
terrestre et non pas céleste. C’est situé géographiquement sur la
terre d’Israël et c’est pour maintenant. C’est donc très
important qu’il y ait la famille dans la mesure où on voit, à
travers les textes, qu’à la mort de Jésus lui succède son frère.
Il y a là une succession dynastique qui nous inscrit dans cette réalité
concrète, terrestre, une espérance qui n’est pas au-delà du temps.
C’est une espérance immédiate… Dans les
Actes des apôtres, qui racontent la
naissance du mouvement chrétien, Pierre devient au contraire une sorte
de commissaire politique, une statue qui fait la Loi et ne se trompe pas
de direction ; celle d’un petit groupe de gens décidés à
prendre le pouvoir à l’intérieur du judaïsme, et pour lequel tous
les moyens sont bons. Y compris de se déchirer. Comme toute secte ce
groupe est impitoyable si quelqu’un rompt le pacte ou trahit. Dans
cette perspective, Judas pourrait être, en réalité, un homme qui a
trahi le mouvement après la mort de Jésus. La lecture des textes nous
montre qu’ils posent à chaque instant la question du pouvoir. La
question de la violence, du pouvoir, des institutions court entre toutes
les lignes des Evangiles ». Verbatim Mordillat et Prieur dans Paris
Match du 22 avril 2004. Irène Frain, sans mollir écrit dans le même
journal pour présenter nos deux faussaires, que leur travail contribue
à « encourager le lyrisme et la foi ». C’est sans doute une manière
de les lire. Nous n’avons pas quant à nous la même conception du
lyrisme et nous voyons trop bien que de foi, il n’est pas question
dans ces lignes.
En
réalité nos deux auteurs qui prétendent faire une enquête sur le
Christ et les origines du Christianisme se conduisent non en
journalistes et en cinéastes mais en policiers.
C’est
sur le mode policier que s’effectue cette enquête prétendument
scientifique. La thèse est présupposée : il s’agit de
mobiliser le moindre indice qui puisse lui donner quelque crédit. Comme
les indices sont faibles, on interroge les textes inlassablement, et en
les torturant, en les triturant en tous sens, on finit par leur faire
dire ce que l’on en attendait. En fait de police, il faut le préciser
mais vous l’aviez compris, nous sommes en présence d’une police
politique, nous en reconnaissons les méthodes. Ce sont des procureurs,
des “commissaires politiques” pour reprendre le terme qu’ils
appliquent à l’apôtre Pierre dans la citation de Paris
Match que nous vous avons mise sous les yeux. Ils tiennent leur
coupable dès le début, le Christ et sa secte ; à l’image
d’un Beria sous Staline, ou des Romains lors des persécutions des
premiers siècles, il faut faire circuler des rumeurs mensongères, démonétiser,
stigmatiser, anathématiser. On désigne les coupables à la vindicte
populaire ; l’enquête n’est alors que de pure forme,
l’instruction est partiale ou n’existe pas, les témoins sont enfermés
dans un jeu de questions qui incluent et dirigent elles-mêmes les réponses.
Les procès-verbaux sont truqués. L’essentiel, c’est d’arriver au
bout, c’est-à-dire de faire parler les textes de n’importe quelle
manière, de faire avouer les coupables à n’importe quel prix.
Pour y parvenir, on va donc créer une fiction qui aura la saveur du réel.
C’est que les cinéastes sont au moins spécialistes de quelque chose :
ce sont des as du trucage.
C’est
ce qui leur permet de décréter avec autant d’assurance et
d’autorité des conclusions irréversibles selon eux et qui sont
manifestement contraires à ce que l’on peut lire dans les Ecritures.
Ce que Prieur et Mordillat écrivent dans Jésus
après Jésus est encore plus frappant, éclairant d’un jour
nouveau, ou plutôt pétrifiant dans une nuit glaciale, les origines prétendument
homicides du christianisme.
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