Nicolas
Sarkozy vient de publier son livre sur la laïcité : La République,
les religions, l’Espérance… Il n’hésite pas à remettre en cause
la Loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, en réclamant
des subventions d’Etat pour la construction de mosquées en France. Il
entend donner un signe fort de discrimination positive.
Il
y a quelque chose de dérisoire dans le spectacle que nous offre
l'actualité religieuse en ce début du mois de novembre. D'un côté,
les évêques de France se réunissent pour leur traditionnel
rendez-vous de Lourdes. Ils sont mobilisés cette année par la
minuscule question de la réforme des structures de leur propre assemblée.
Pour se donner bonne conscience, ils parleront aussi de la catéchèse,
en essayant de dire comment articuler la transmission des connaissances
et l'expérience de vie dans l'enseignement religieux. Une tarte à la
crème déjà mille fois repassée au four à micro-ondes de leurs
bonnes intentions...
Pendant
que, dans les Pyrénées, vont avoir lieu ces débats minuscules, à
Paris, Nicolas Sarkozy, ex-ministre des Cultes, s'occupe des choses sérieuses.
Il vient de publier aux éditions du Cerf un livre d'entretiens avec un
jeune dominicain très répandu ces temps-ci, le Père Philippe Verdin.
L'interlocuteur et l'éditeur valent à eux deux un label d'orthodoxie
chrétienne, pour ce qui apparaît, dans la bouche de Sarkozy, comme une
nouvelle doctrine des rapports entre les religions et l'Etat français.
L'homme qui se voit déjà président parle à ce sujet de “laïcité
positive”. Il propose aux Eglises et aux imams une collaboration étroite,
reposant sur une évaluation positive du fait spirituel. « Je suis
catholique, non pratiquant, mais je crois important d'aller à la messe
en famille ». « L'être humain n'est pas fait pour supporter et
assumer le désespoir. Le doute est déjà assez difficile à vivre. La
certitude du néant, ce serait bien pire ». L'ex-ministre des Cultes ne
fait aucune profession de foi, mais il répète à qui veut l'entendre
sa « profession d'espérance » : « La question spirituelle a été très
largement sous estimée ».
C'est
au nom de cette attitude personnelle revendiquée, chose assez neuve
chez un ministre de la République, que ce petit Napoléon dessine les
contours d'un nouveau concordat. La loi de 1905, en son article 2, prévoyait
une totale séparation entre l'Eglise et l'Etat. Il propose lui, au
rebours, un véritable engagement de l'Etat envers les religions : « Il
reste une question à régler, qui n'est pas anecdotique : c'est celle
du financement des grandes religions de France ». Vive l'assiette au
beurre ! « Prenons l'exemple des prêtres catholiques : leur situation
sociale, c'est le moins qu'on puisse dire, n'est ni viable ni enviable.
Les prêtres ne touchent une retraite indexée sur le SMIC que depuis
1997. La grande majorité d'entre eux reçoit moins que le SMIC comme
salaire réel mensuel »... La proposition n'est pas faite
explicitement, mais on devine le non-dit : prêtres, devenez donc des
fonctionnaires, c'est tellement plus confortable!...
Une
telle sécurité acquise doit avoir un prix. Sarkozy n'hésite donc pas
à continuer : si l'Etat qu'il représente pourrait bien s'engager vis-à-vis
de l'Eglise, il faudrait que la réciproque soit vraie et que l'Eglise
s'engage vis-à-vis de l'Etat : « En ce qui concerne la formation des
ministres du culte, notre pays a intérêt que celle-ci soit compatible
avec l'esprit et la pratique de la République » prévient le bouillant
petit homme, avant de proposer immédiatement une compensation : «
Aider à la formation des prêtres permettrait d'assouplir les
contraintes budgétaires qui pèsent sur celle-ci ». Et d'enchaîner,
au cas où le Père Verdin, son interlocuteur n'aurait pas compris de
quoi il était question : « Il est regrettable que l'attrait du séminaire
pâtisse des conditions de vie faites aux étudiants et aux prêtres...
».
Bref
Nicolas Sarkozy se comporte avec l'Eglise catholique en bienfaiteur qui
fait des cadeaux pour mieux tenir son obligé ou même en syndic de
faillite, que l'affaire aurait pu intéresser et qui propose de la gérer
autrement... Il a son avis sur tout, allant jusqu'à proposer lui-même
tel sujet d'homélie. De façon plus immédiate, il prévient que son
premier objectif, c'est de régler le problème des églises de campagne
: « Je ne suis pas très sensible à la sanctification des lieux. Un
lieu qui a été consacré à la religion, tant qu'il tient debout
(sic), ne devrait pas être perdu pour toute autre activité s'il est désaffecté
». Entretenir « une église où se réunissent trois paroissiens
une fois tous les mois », c'est « poursuivre une chimère ». «
Qu'une église soit transformée en une salle communale, où est le
problème ? ».
Le
pragmatisme du petit Nicolas devrait nous faire froid dans le dos, à
nous catholiques ! Vis-à-vis de l'islam, en revanche, son attitude est
moins hautaine, même si elle participe de ce jeu malsain que Marcel
Mauss nommait la logique du don. « L'islam est une religion française
» déclare-t-il tout de go. Il faut donc que les musulmans de France
aient des Mosquées. Comment faire ? « Le financement du lieu de culte
proprement dit doit être laissé aux fidèles, ce qui est normal et préférable
; en revanche, les annexes, le parking, la salle culturelle et non pas
cultuelle, peuvent recevoir des aides. Il faudrait aussi développer
l'utilisation de baux emphytéotiques pour la mise à disposition de
terrains par les collectivités publiques ». Bref, par la bouche de
l'ex-ministre des Cultes, d'un côté, l'Etat se déclare prêt à désaffecter
les églises vides ; de l'autre, il est disposé à offrir aux musulmans
tout ce qui fait une mosquée - sauf le carrelage de la salle de prière...
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