Qui
se souvient de Jean Jacques Olier, célèbre curé de la paroisse
Saint-Sulpice à Paris au milieu du XVIIème siècle ? Les oeuvres de ce
grand spirituel chrétien, représentant de ce qu'il est convenu
d'appeler l'Ecole française de spiritualité sont devenues introuvables
autrement que sous forme de morceaux (assez mal) choisis. L'abbé
Barthe, prêtre parisien bien connu, a eu la curieuse idée de
ressusciter l'une de ses oeuvres, qui depuis le début du XIXème siècle
était restée inédite. Il s'agit de L'esprit des cérémonies de la
messe, un livre d'explication liturgique qui reprend et commente les cérémonies
de la messe les unes après les autres, présenté ici selon toutes les
règles techniques, avec les différentes variantes et une longue préface
dudit abbé, qui remet le texte dans son contexte. Les amateurs
d'initiation rapide (genre : la liturgie sans peine en quinze leçons)
seront déçus. Le livre est chaleureux, avec cette écriture grand-siècle,
à la fois fervente et profondément équilibrée qui, dans certaines
envolées lyriques, vous saute littéralement au visage. Il repose sur
une explication des symboles. Explication ? Je dirai : déploiement. Le
symbole n'est lui-même ici qu'une sorte de prétexte, qui donne lieu au
somptueux ballet de la théologie post-tridentine de la messe : c'est un
véritable régal pour ceux qui osent goûter ce genre de mets, c'est-à-dire
pour les fous de liturgie (il y en a sans doute plus qu'on ne pense) et
peut-être aussi pour ceux que la liturgie en français a laissés
orphelins de quelque chose qu'ils ne savent sans doute pas définir mais
qu'ils retrouveront dans ce livre.
Donnons
donc un nom à cet impensé : Monsieur Olier, armé des élucidations
doctrinales que le cardinal de Bérulle avait proposé dans cette oeuvre
fulgurante qu'il intitula Les grandeurs de Jésus Christ, offre à la théologie
catholique une manière de penser la sainte Messe comme un sacrifice réel
(et non seulement figuratif) qui est en même temps le sacrifice de la
Croix. Autant Bérulle était comme resté suspendu au Mystère de
l'Incarnation du Verbe, comme un théologien qui se serait attardé
incognito parmi les bergers de Bethléem, autant ses disciples (à
commencer par le Père de Condren son successeur à la tête de
l'oratoire de France) ont insisté sur la théologie de la Croix.
Monsieur Olier nous offre, en fragments, trente ans après la mort de Bérulle,
une magnifique synthèse, une synthèse sacramentelle, toute empirique
donc, de la theologia crucis.
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