De
quelle manière la FSSPX se met-elle au service de l'Eglise aujourd'hui
?
Dès
ses origines, la
Fraternité fondée par Mgr Lefebvre s'est retrouvée dépositaire d'un
trésor qui ne lui appartient pas en propre, mais était menacée par
ceux-là mêmes qui devaient le faire fructifier : la Tradition
catholique. Son premier devoir fut de protéger ce trésor, tant d'un
point de vue liturgique que doctrinal. Il fallait le mettre à l'abri, dénoncer
à temps et à contretemps le mal qui le mettait en péril, afin de le
sauvegarder. Pour l'Eglise prise dans son ensemble bien sûr, mais également
pour les âmes toujours plus nombreuses qui de partout réclament cette
pure fontaine d'eau vive afin de s'y abreuver. Ce fut et ce demeure le
premier service ecclésial rendu par la Fraternité Saint-Pie X.
Cette
Tradition catholique, il ne s'agit pas de la conserver comme une pièce
de musée, cela n'aurait aucun intérêt ! Elle ne peut qu'être incarnée
dans des hommes, dans des prêtres convaincus. Et c'est pourquoi la tâche
première de la Fraternité Saint-Pie X est son oeuvre de formation et
de sanctification des prêtres. En un temps de profonde crise, il s'agit
de donner à l'Eglise des prêtres fermement attachés au saint
Sacrifice de la Messe, des prêtres aussi saints que doctes je le
souhaite.
« C’est
à chacun d’entre nous de s’interroger pour savoir s’il reste
paresseusement dans les arrières lignes, ou si véritablement il peut
se dire à l’avant-garde du grand combat »
Parlons
de manière plus ponctuelle peut-être. Après les trente dernières années
qui ont permis la survie et la stabilisation de la Tradition catholique,
l'oeuvre de reconquête est à l'ordre du jour. La situation que nous
vivons n'est en effet plus tout à fait la même qu'en 1970. De manière
générale, le clergé des années 50 nous haïssait parce que nous représentons
tout ce qu'ils ont renié ; de plus leur aveuglement les rendait souvent
inaccessibles à la grâce. Aujourd'hui apparaît une nouvelle génération
qui n'a rien renié sinon parfois le modernisme reçu au séminaire, et
pour qui la Tradition catholique n'est plus un sujet tabou, au
contraire. Cette situation nouvelle implique de la part de la Fraternité
Saint-Pie X une adaptation dans son oeuvre apostolique. Quoi qu'en tâtonnant
encore, elle essaye, en plusieurs pays comme à Rome, d'entreprendre une
influence bénéfique au sein du clergé. C'est ce qui explique en
partie la recrudescence des débats doctrinaux, menés avec autant de
loyauté et de charité que possible. Ce sont là autant de services
rendus à l'Eglise, parce que ces clarifications sont les prolégomènes
indispensables à toute restauration profonde de la Tradition dans
l'Eglise.
Qu'est-ce
que cette romanité dont Mgr Lefebvre parlait si souvent ?
Rome
! Que vous dire ? Lors de votre prochain pèlerinage dans la ville éternelle,
jetez sur elle un regard de foi. Vous comprendrez alors cette romanité
que Mgr Lefebvre nous a si profondément inculquée : c'est sur Pierre
que le Christ a bâti son Eglise, les artistes ont su l'écrire dans la
pierre. Depuis l'obscurité du confessionnal jusqu'à ces immenses
statues de saints qui s'élancent dans le ciel du haut des édifices
sacrés, tout indique que Rome est le chemin de la sainteté. Car c'est
à Pierre que fut remis le pouvoir de lier et de délier, la puissance
de bénir ou de bannir, il est et demeure le dépositaire de la sainteté
que le Christ a acquis pour son Eglise. Là encore, la Ville éternelle
vient nous le dire : ce ne sont pas de simples aléas de l'histoire qui
l'ont transformée en immense reliquaire de la Passion du Christ ! C'est
là et là seulement, dans la romanité, que le Christ s'unit à son
Eglise et que je m'unis au Christ. Etre romain, c'est donc vivre le
grand mystère de l'incarnation et de la médiation de l'Eglise. L'amour
pour celle qui est notre Mère n'est pas quelque chose de vaporeux ou
d'idéal : parce que j'aime l'humanité sainte du Christ, c'est également
une Eglise de chair que j'aime ! Ce n'est pas que j'aime spécialement
tel ou tel pape, mais, quel que soit l'individu, ses qualités, ses
faiblesses, et même ses fautes, l'amour que j'ai pour l'Eglise fait que
je ne suis plus qu'un avec le pape, dans sa dépendance totale, à
chaque fois que celui-ci est en acte d'incarner l'Eglise.
C'est
cette Rome que Mgr Lefebvre nous a appris à aimer, cette Rome qu'il
appelait la Rome de toujours ; car Rome demeure toujours la même, à
travers les personnes qui se succèdent. Christus heri, hodie et in
saecula ; l'Eglise que j'aime, c'est celle d'hier, d'aujourd'hui et de
demain, c'est-à-dire l'unique Eglise qui reste identique à elle-même
à travers le temps sans jamais pouvoir se contredire. Etre romain,
c'est aussi vivre un amour en souffrance. Là encore, qui ne se rappelle
le visage grave de douleur qu'avait Mgr Lefebvre lorsqu'il abordait
devant nous les questions romaines ? C'est qu'un fils aimant ne peut que
souffrir à voir sa mère malade, d'une douleur qui sera à la mesure de
sa romanité. L'amour de la papauté, comme la haine et le combat contre
la maladie qui l'infecte, sont parties intégrantes de la véritable
romanité. C'est celle-là que Mgr Lefebvre nous a transmise.
Comment
caractérisez-vous les sacres de 1988?
Le
plus bel acte d'audace et de prudence surnaturelles que Mgr Lefebvre ait
posé pour le service de l'Eglise.
La
FSSPX est-elle une avant-garde ou une arrière-garde dans le combat
catholique aujourd'hui ?
Enracinée
dans la foi de toujours, riche d'une liturgie plus que millénaire dont
les fruits de sainteté ne sont plus à redire, la Fraternité
Scrint-Pie X possède cette stabilité indispensable en période de
grands combats. En ce sens, elle est déjà une Valeur sûre, pour ne
pas dire La valeur sûre dans le combat catholique de notre époque.
Développant son argumentation doctrinale et l'exposant toujours plus au
grand jour tout en restant elle-même, notre société religieuse montre
chaque jour davantage combien elle anticipe sur le présent de l'Eglise
pour préparer le retour des pasteurs à la Tradition.
Maintenant,
c'est à chacun d'entre nous de s'interroger pour savoir s'il reste
paresseusement dans les arrières lignes ou si véritablement il peut se
dire à l'avant-garde du grand combat. Que ce combat soit mené au vu et
au su de tout le monde ou qu'il se situe dans l'obscur labeur quotidien,
nous serons toujours aux avant-postes si, pour reprendre le mot de saint
Augustin nous savons faire rivaliser en nos âmes l'amour de la vérité
avec la vérité de l'amour. Car alors notre foi, ainsi vivifiée par la
charité, sera notre victoire sur le monde.
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